En allant récupérer l’Olivier de l’humoriste de l’année, Mike Ward a prononcé son discours tant attendu sur la saga judiciaire l’opposant à Jérémy Gabriel. Condamné par la Cour d’appel à verser 35 000 $ pour une blague jugée discriminatoire, il va porter sa cause à la Cour suprême au nom de la liberté d’expression.
Lors de son allocution, il a fait le décompte des articles publiés sur cette affaire et souligné l’acharnement des médias sur sa personne. C’est plate, mais il va falloir qu’il comptabilise cet article aussi. Devant un parterre visiblement d’accord avec ses revendications, à preuve les ovations qu’il a reçues, Mike Ward a jugé bon de nous rappeler «qu’en humour, on a le droit de rire de tout. La seule chose qui devrait compter, c’est le contexte et l’intention.»
Il a également cru bon d’avertir ses collègues que la fin les guettait tous, qu’il fallait qu’ils se réveillent avant qu’il ne soit trop tard. Mike Ward s’est positionné en bon porteur de croix annonçant la mauvaise nouvelle à ses disciples.
Ward a raison d’insister sur l’importance de protéger la liberté d’expression. Il vise juste lorsqu’il affirme que l’humour est un art, que l’humour noir est un art et qu’il faut laisser les artistes être des artistes. Personne ne peut le contredire là-dessus. Si, selon ses dires, sa quête est d’avoir gain de cause au nom de la liberté d’expression, il oublie malheureusement que ce droit n’est pas absolu. La liberté d’expression ne peut pas justifier l’indéfendable.
La liberté d’expression a ses propres limites. Elle ne doit pas, selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, porter atteinte à la vie privée et au droit à l’image d’autrui. Elle ne peut être utilisée pour tenir certains propos interdits par la loi: l’incitation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, l’apologie de crimes de guerre, les propos discriminatoires en raison d’une orientation sexuelle ou d’un handicap, par exemple.
Avant de scander qu’il a été brimé dans son droit légitime à la liberté d’expression, Mike Ward devrait en connaître les limites. Oui, on vit dans un pays libre, mais on a aussi des devoirs et des responsabilités en tant que citoyens, que ce soit sur un stage ou non.
Mike Ward nous parle de contexte et d’intention qui justifie la pertinence de son gag. Il nous dit qu’on peut rire de tout. Soit! J’aimerais qu’on m’explique ce qui est drôle dans un gag affirmant qu’un enfant est «laid» et qu’il est prétendument mourant, mais qu’il n’est «pas tuable». Une joke qui se moque de la malformation physique d’un enfant. Je cherche encore le punch… Mon article va au-delà de l’idée de faire un procès à Mike Ward; il en a déjà un sur le dos. C’est l’idée de se positionner en victime au nom de la liberté d’expression, comme il l’a fait aux Olivier, qui me rebute.
Une joke qui se moque de la malformation physique d’un enfant. Je cherche encore le punch…
Je vais vous laisser sur cette citation de l’écrivain ivoirien Jean-Marie Adiaffi: «Quiconque revendique la totale liberté entière et pleine revendique la totale responsabilité entière et pleine.» On ne peut dépasser les limites de la liberté d’expression sans faire face aux conséquences.