Pour la première fois en 25 ans, le Canada sera placé sur la liste des 10 causes défendues dans le cadre du marathon d’écriture d’Amnistie internationale. C’est la cause du sort de la communauté autochtone de Grassy Narrows, en Ontario.
En marge de la Journée internationale des droits de l’homme, Amnistie internationale organise l’événement Écrire ça libère. Le public montréalais sera invité, samedi, à écrire des cartes de soutien en appui à l’une des 10 causes défendues par des jeunes de moins de 25 ans engagés dans une lutte pour défendre leurs droits. Le Canada se trouvera en compagnie d’illustres violateurs des droits de l’homme, comme la Chine, le Nigéria, le Soudan du Sud et l’Égypte.
Grassy Narrows est l’une des 57 communautés autochtones du pays qui n’a toujours pas accès à l’eau potable. Mais son cas est encore plus problématique que bien d’autres. Dans les années 1960 et 1970, dix tonnes de mercure ont été déversées dans les rivières du secteur par des compagnies papetières. Cela a empoisonné les poissons de la région et a eu des conséquences sur les habitants qui s’en nourrissaient.
Aujourd’hui, plusieurs jeunes sont affectés par le mercure des rivières de Grassy Narrows. C’est le cas de Darwin Fobister, 22 ans, qui est atteint de troubles de la parole et d’apprentissage, en plus de maux de tête quotidiens.
«Lorsque j’étais plus jeune, j’avais des crises épileptiques à cause du mercure dans mon système […]. J’entends des enfants me demander pourquoi leurs mains tremblent et je ne veux pas vraiment leur expliquer pourquoi… C’est vraiment triste de savoir que nous sommes tous malades», nous confie-t-il.
Des études récentes ont démontré que 90% de la population de Grassy Narrows avait des traces de mercure dans le sang. Pour la communauté de 800 habitants, les problèmes physiques et neurologiques sont courants et entraînent des répercussions graves sur leur santé.
«Ça fait 50 ans que nous dénonçons cela, c’est comme si nous étions consommables aux yeux du Canada», renchérit Judy Da Silva, une aînée de la communauté qui vient en aide aux personnes empoisonnées par le mercure.
Selon la directrice d’Amnistie internationale Canada francophone, France-Isabelle Langlois, sur le plan international c’est la première fois que le Canada se retrouve sur la liste du marathon d’écriture en 25 ans.
«Pour qu’on soit rendus là, ça veut dire que la situation dans laquelle vivent les peuples autochtones au Canada est vraiment désastreuse. On s’entend que sur 10 cas de violation des droits de la personne à travers le monde, ça veut dire que c’est très grave. Un pays comme le Canada qui figure dans ce palmarès-là, c’est vraiment outrageant.» France-Isabelle Langlois, directrice d’Amnistie internationale Canada francophone.
Le gouvernement n’a pas tenu parole
En 2017, le gouvernement canadien a promis de régler cette crise en décontaminant la rivière, en fournissant des soins de santé spécialisés à la population et en dédommageant la communauté. Cette promesse n’a pas été tenue d’après les jeunes de Grassy Narrows, qui n’abandonneront pas leur lutte tant que le gouvernement n’aura pas tenu sa promesse.
Joint par Métro, le ministre des Affaires autochtones, Marc Miller, dit qu’il a rencontré le chef de la communauté, Rudy Turtle, la semaine dernière. Il lui aurait indiqué son intention de créer un centre de traitement pour les personnes empoisonnées au mercure. Le financement ne sera pas un obstacle à la création d’un tel centre, dit-il.
Darwin Fobister, qui voyage parfois jusqu’à Winnipeg pour obtenir des traitements, veut y croire.
Vendredi dernier, la Cour suprême du Canada a condamné les papetières Résolu et Weyerhauser à payer la décontamination des sols et des eaux de la communauté.
La directrice d’Amnistie internationale Canada francophone estime que le cas de Grassy Narrows n’est que la pointe de l’iceberg en ce qui a trait aux violations des droits de la personne des peuples autochtones au Canada. «Il y a en a des tonnes au Canada», ajoute-elle, citant la stérilisation forcée des femmes autochtones, les interpellations policières, les soins de santé et la violence étatique envers les femmes autochtones.
Le marathon d’écriture se tiendra ce samedi* 14 décembre de 11h à 18h à la Maison du développement durable de Montréal. D’après Amnistie internationale, les messages d’espoir contribuent à améliorer le sort de nombreuses communautés et personnes injustement emprisonnées.
*La version originale indiquait erronément que l’événement se tiendrait vendredi.