QUÉBEC — Le chef libéral Philippe Couillard quitte la vie politique.
Le premier ministre sortant, qui a mené son parti à la pire défaite de son histoire lors de l’élection générale tenue lundi dernier, en a fait l’annonce jeudi matin au pied du grand escalier du parlement.
Il quitte à la fois ses fonctions de chef du Parti libéral du Québec (PLQ) et de député de Roberval.
Celui qu’on décrit en général comme un homme distant et cérébral était parfois ému aux larmes jeudi, en effectuant son dernier discours à titre de premier ministre du Québec.
Accompagné de son épouse, Suzanne Pilote, elle aussi visiblement très émue, M. Couillard a effectué une sortie très digne, n’empruntant jamais un ton amer, en choisissant de faire ses adieux à la vie publique par le biais d’une brève déclaration solennelle d’une dizaine de minutes.
Il a lu sa déclaration et n’a pris aucune question des journalistes présents.
«Il est maintenant temps de penser un peu à nous», a-t-il dit, la voix chevrotante, tandis que son épouse l’étreignait.
Dans le grand hall du parlement, l’atmosphère était lourde et les yeux rougis.
Il a dit avoir pris acte du résultat électoral de lundi, en en tirant les conclusions inéluctables.
«Le désir de changement s’est clairement exprimé, il faut donc en assumer les conséquences», a-t-il observé.
M. Couillard a aussi profité de cette dernière apparition publique dans ses fonctions de leader politique pour livrer quelques messages.
À son futur successeur à la tête du PLQ, il a demandé de rester fidèle aux valeurs du parti, et de ne «jamais les marchander pour quelques votes».
Il s’est porté une fois de plus à la défense des libertés individuelles et des droits des minorités, affirmant que «la majorité n’a pas tous les droits» dans une société.
Le sort des minorités «n’est pas un enjeu parmi d’autres», a-t-il ajouté, faisant sienne une citation de l’écrivain Amin Maalouf, convaincu qu’on pouvait juger une société sur le statut réservé aux femmes et aux membres des minorités.
Son successeur aux commandes du gouvernement, le premier ministre élu François Legault, a salué, dans un bref message diffusé sur Twitter, «la contribution importante du premier ministre sortant, Philippe Couillard, à la vie publique québécoise».
«La politique est exigeante et demande du courage, ce qui force le respect», a-t-il écrit.
Le chef démissionnaire du Parti québécois (PQ) Jean-François Lisée a salué sur Twitter la «résilience» du chef libéral dans la tempête.
«Nos désaccords étaient nombreux mais je salue ses années d’engagement politique au service de sa vision du bien commun et sa grande résilience dans les tourmentes», a écrit l’ancien chef de l’Opposition officielle, défait lundi dans sa circonscription de Rosemont.
Le premier ministre Justin Trudeau a commenté brièvement le départ de M. Couillard de la vie politique, en disant de lui qu’il avait «pris très au sérieux ses responsabilités» de premier ministre du Québec. Il a dit avoir même développé des liens d’amitié avec lui.
De 68 à 32 sièges
En août, au moment de la dissolution de la Chambre, le PLQ comptait 68 sièges à l’Assemblée nationale, mais n’en avait plus que 32 lundi soir, ayant recueilli l’appui de seulement 24,8 pour cent des électeurs.
Son départ ramène à 31 le nombre de députés libéraux et entraînera la tenue d’une élection complémentaire dans Roberval d’ici le mois d’avril.
En fin de soirée lundi, en réaction à la défaite cuisante de son parti, M. Couillard avait affirmé qu’il allait «entreprendre une réflexion» sur son avenir personnel.
«Afin de réduire la période d’instabilité, cette réflexion sera courte, quelques jours au maximum», disait-il lundi soir. Il a donc tenu parole.
Jeudi après-midi, une première rencontre a lieu à Québec entre les candidats libéraux élus et défaits lundi dernier.
Vendredi, un premier caucus des élus libéraux du 1er octobre aura lieu à Québec pour planifier la suite des choses, soit le choix d’un chef par intérim et la définition des modalités de la course au leadership qu’il faudra organiser pour trouver un successeur à M. Couillard.
Ce dernier s’était lancé en politique en 2003, avec l’équipe de Jean Charest. Il a été ministre de la Santé de 2003 à 2008, quand il a décidé de quitter une première fois la politique pour se tourner vers le privé. Quand les libéraux de Jean Charest ont été défaits en 2012, il s’est porté candidat pour lui succéder et est devenu chef du parti en 2013. En 2014, il formait un gouvernement majoritaire.