Les routes 80% plus chères après la création du cartel de l’asphalte

En 2000, après la création du cartel de l’asphalte à Montréal, les prix ont augmenté d’environ 80% passant de 1,6 M$ à 4,3 M$, a expliqué Gilles Théberge, à sa dernière journée de témoignage devant la Commission Charbonneau, mardi.

M. Théberge ne peut pas dire si la hausse est uniquement due à la formation du cartel ou à la hausse de plusieurs autres éléments (prix du bitume, du ciment, du carburant…), mais, selon lui, quelqu’un aurait dû s’apercevoir de cette grande variation et lever un drapeau rouge. «Si j’avais travaillé à la Ville de Montréal, j’aurais sonné la cloche, a-t-il lancé. Mais je n’étais pas à la Ville.»

Collusion au MTQ
La collusion dans l’asphalte n’était pas limitée qu’à Laval et à Montréal, elle a affecté les municipalités de la Rive-Sud et les lucratifs contrats du ministère des Transports du Québec (MTQ),  a indiqué le témoin.

Selon des données du gouvernement, Sintra a été la plus importante firme à décrocher des contrats avec le MTQ, obtenant 1,6 G$ de contrats entre 1997 et 2012, tandis que DJL en a obtenu pour 1 G$. «Je pense qu’on [Sintra] détenait 60% du marché du MTQ, vers 2000», a-t-il précisé, indiquant qu’il ne croyait pas que les fonctionnaires du MTQ étaient dans le coup.

«Il n’y avait pas de collusion avec les gens du MTQ», a-t-il indiqué.

M. Théberge rencontrait cependant le directeur territorial fréquemment pour connaître les projets à venir. Cette information «qui allait être publique» était fort utile pour préparer les budgets et savoir comment partager les contrats avec les autres firmes.

S’il n’y avait pas de retour d’argent, M. Théberge a toutefois offert des bouteilles de vin, des lunchs et des billets pour le hockey, le baseball et le football.

Annuellement, Sintra invitait les fonctionnaires du MTQ de toutes les régions et certains maires de municipalités à un party «huîtres et steak» à Gould, dans un «château» sur le bord d’un grand lac dans la région de Thetford Mines. C’est Sintra qui payait toutes les dépenses.

À cet événement s’ajoutaient des activités ponctuelles de pêche au saumon, aussi payées par Sintra, où étaient invitée une dizaine de fonctionnaires du MTQ.

Le témoin a expliqué que les projets du MTQ  étaient attribués aux firmes dont les installations de production d’asphalte étaient le plus près du projet.

Les compagnies Sintra, Campeau et Desjardins Asphalte se sont partagées les contrats d’asphalte du MTQ sur la Rive-Nord entre 1996 et 2000, a précisé le témoin.

Sur la Rive-Sud, les entreprises Baillargeon, Bernier et DJL couvraient Saint-Hubert, Longueuil, Greenfield Park, Sainte-Julie et Saint-Bruno, a raconté M. Théberge.

Politique provinciale
L’homme de 66 ans a donné, entre 1996 et 2007, 3000$ à l’ADQ et 1740$ au PLQ. Les dons ont été remboursés par sa compagnie. «C’était comme ça qu’on fonctionnait. Ça faisait partie des moeurs», a-t-il dit.

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Des événements et des dons
M. Théberge a raconté que les entrepreneurs étaient abondamment sollicités à Laval pour participer à une pléiade d’événements-bénéfices: cocktails, tournois de golf, soupers de homards ou repas à la cabane à sucre, les cordons de la bourse des entreprises devaient se délier pour rester dans le marché.

Sintra a d’ailleurs été invitée à donner 50 000$ en cinq versements par chèque afin de «sauver le Cosmodôme», à la demande de Claude Deguise.