Naître avec le VIH, vivre heureuse et aider les autres
Infectée par le VIH à sa naissance, Winny Nombré, 30 ans, préfère aujourd’hui parler de «malchance» dans ce qui lui est arrivé. Car ses deux frères – un plus jeune et l’aîné des Nombré – n’ont pas hérité de la maladie.
«Il y a ce qu’on appelle la malchance. Les autorités médicales ne peuvent pas me dire le moment où je l’ai attrapée ni ce qui a pu se passer», dit-elle en entrevue avec Métro. Vers l’adolescence, Winny Nombré l’a vécu comme «un choc». «Je ne l’ai vraiment pas voulu et je prends des médicaments depuis que je suis née. Je n’ai pas arrêté», témoigne-t-elle.
Malgré tout, la jeune femme n’est pas amère aujourd’hui. Au contraire, elle «vit très bien avec sa situation malgré la stigmatisation qui dérange». Diplômée en hôtellerie, Mme Nombré travaillait à la banque avant d’arriver au sein de l’organisme Centre d’action sida Montréal (CASM), comme chargé de projet.
Elle aide des femmes, d’origine africaine comme elle, à «croire en l’avenir». Winny Nombré est mariée. Son couple a deux enfants qui n’ont pas été touchés par le VIH. «Les choses changent, dit-elle. C’est sûr qu’on ne le dit pas à tout le monde en raison de la stigmatisation, mais il est possible de vivre avec cela.» Winny Nombré a connu trois situations de stigmatisation dans sa vie.
Stigmatisée à plusieurs reprises
Enfant, ses parents lui donnaient ses médicaments et elle les prenait sans broncher. Mais à 14 ans, alors qu’elle s’en allait s’inscrire dans les cadets des Forces canadiennes, elle a appris qu’elle ne pouvait pas le faire. La raison: sa santé jugée précaire.
La deuxième fois, c’était avec les assurances lorsque j’avais 18 ans. Je ne pouvais pas en trouver. Les assureurs disaient que j’étais à risque et jusqu’à présent cela me guette.
Winny Nombré, chargée de projet chez CASM
Et enfin, les relations amoureuses. Le virus est indétectable chez Winny Nombré et donc intransmissible, selon la médecine. Mais malgré tout, la plupart des hommes qu’elle a rencontrés, en dépit des attirances mutuelles, n’ont pas souhaité poursuivre la relation.
«Lorsque je leur disais, ils ne voulaient pas dealer avec ce problème-là, se souvient-elle, la relation n’a pas duré et finalement je me suis dit qu’il était plus facile de vivre avec quelqu’un qui a la maladie et qui peut comprendre, discuter et tout…»
Infectées après un viol
Son mari vit aussi avec la maladie, qu’il a contractée au cours de sa vie. Aujourd’hui, le VIH est indétectable autant chez Winny Nombré que son époux et leurs enfants ne sont pas malades. Dans la communauté africaine à Montréal, ce sont les femmes qui sont le plus touchées par la maladie. Au CASM, elles sont 320 femmes à bénéficier des services de toute sorte. Et plus de 66% sont originaire d’Afrique.
Violées dans leur pays d’origine, de nombreuses femmes africaines apprennent, une fois à Montréal, qu’elles ont contracté le VIH. Elles croyaient qu’en posant leurs valises dans la métropole, un chapitre heureux s’annonçait, après un périple les ayant conduits de l’Afrique, aux pays d’Amérique latine, en passant par les États-Unis.
Pour ces demandeuses d’asile et réfugiées de guerre fratricide, le couperet tombe au moment de subir des tests médicaux à des fins d’immigration. Elles sont ensuite redirigées vers le CASM, seul organisme à venir en aide spécifiquement aux femmes aux prises avec cette maladie dans la métropole.
Quand elles arrivent chez nous, elles vont avoir entre trois mois et un an au Canada et on va les aider à créer des liens sociaux, leur donner des astuces, des informations dont elles ont besoin pour s’installer convenablement.
Émily Bobe, directrice générale du CASM en entrevue avec Métro.
«Beaucoup ont été violées et c’est en arrivant ici qu’elles vont l’apprendre. Et le problème c’est comment le dévoiler à leur famille, leurs enfants. C’est compliqué pour elles», ajoute Mme Bobe.
Selon les données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les femmes, les personnes originaires de pays où le VIH est endémique sont touchées de façon disproportionnée (60,5% des nouveaux diagnostics féminins).
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.