Sur Ontario, tout près du coin de l’avenue Papineau, la boutique Funguyz qui se spécialise en vente de champignons magiques ouvre ses portes aux premiers clients. Entre la demi-douzaine de caméras des différents médias de Montréal, quelques curieux réussissent à se frayer un chemin vers l’intérieur de la boutique.
Faisant pied de nez aux lois prohibant la vente de stupéfiants, la boutique affiche ses produits de psilocybine, l’ingrédient actif des champignons magiques, sur ses étagères comme dans n’importe quel autre commerce de vente au détail. Outre les produits et les panneaux informatifs, l’avant-boutique est vide. Le strict minimum est mis en place. Derrière le comptoir de vitre où des produits sont aussi disposés, quelques employés préparent des contenants destinés à la vente dans l’arrière-boutique.
Parmi les produits, on compte du chocolat à la psilocybine, des thés, des friandises ou des champignons complets. «Les produits ont différents effets», commente le caissier, Hector Hernandez. Certains limiteraient l’anxiété, tandis que d’autres seraient plus euphoriques. Ces informations sont clairement indiquées sur la face arrière des sachets. «C’est selon le rapport des consommateurs qu’on classifie les effets», ajoute le caissier. Des échantillons gratuits sont même offerts à ceux qui sont curieux.
Funguyz, une «pharmacie alternative»
De manière similaire aux premières boutiques de cannabis avant la légalisation officielle, c’est une lutte pour la décriminalisation qui motive l’entreprise. Le champignon serait une médecine valide et «il est presque impossible d’y avoir accès. La plupart des demandes sont refusées», disait le copropriétaire de Funguyz, Edgars Gorbans, en entrevue avec Métro. Avant la boutique pignon sur rue de Funguyz, certains commerces tout aussi illégaux offraient déjà l’option d’acheter des champignons magiques sous un modèle de livraison à domicile.
Opérant comme une pharmacie, les «médicaments» sont «créés par des producteurs et fournisseurs. On les achète et on en fait la vente», nous apprend M. Hernandez. Tous les produits sont d’ailleurs cultivés au Canada. Une petite différence avec un Jean Coutu, par exemple, c’est que le client ne paye pas de taxes chez Funguyz.
«On carte les consommateurs. On ne veut pas que des mineurs se procurent nos produits», affirme M. Hernandez. Comme indiqué sur certains emballages, les moins de 19 ans ne peuvent pas acheter de champignons. «La limite est 19, plutôt que 18 ans parce qu’on a voulu faire comme pour le cannabis», ajoute le caissier.
Malgré le mot «fun» dans «funguyz», c’est la microconsommation responsable qui est suggérée par la boutique et non pas la consommation de doses plus élevées. Si des champignons complets sont aussi vendus, c’est pour surtout «les diviser en plusieurs petites doses», explique le caissier.
Le début d’une vague
Si la boutique Funguyz de la rue Ontario semble inusitée par son illégalité qui ne se cache pas, celle-ci n’a pas l’intention de se limiter à un seul pignon sur rue. Au total, l’entreprise vise le déploiement de 4 succursales, dont 2 nouvelles à Montréal.
Si la boutique subit le même sort qu’à Toronto où des policiers font temporairement fermer la boutique en arrêtant l’employé sur place, elle prévoit «rouvrir ses portes instantanément», selon le caissier sur place. Le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a affirmé en juin ne pas avoir de plan de match officiel. Aujourd’hui ils précisent que si plan il y a, le SPVM n’a pas l’intention de dévoiler «ses intentions ni ses stratégies d’intervention», mais que le service serait en droit d’intervenir. Dans tous les cas, les opérateurs de la boutique sont prêts à se défendre légalement. Un avocat qui se spécialise en droit d’accès aux médicaments accompagne d’ailleurs les propriétaires dans leurs démarches.
Le climat judiciaire rendrait toutefois difficiles les arrestations pour cas de possession et même de vente de stupéfiants selon certains acteurs du milieu.