Montréal

Le campement sous l’autoroute Ville-Marie démantelé

Démantèlement du campement Ville-Marie: au devant, la porte-parole du MTQ, Sarah Bensadoun répond aux questions de journalistes alors de des militants du SLAM manifestent derrière elle.

À 9h ce matin, le gouvernement du Québec envoyait ses camions et pelles mécaniques pour prendre possession du secteur sous l’autoroute Ville-Marie occupé par une vingtaine campeurs itinérants depuis des années. Depuis lundi, les travailleurs sociaux, notamment de Résilience Montréal, faisaient des pieds et des mains pour aider les résidants de ce secteur appartenant au ministère des Transports (MTQ).

Un homme résidant au campement depuis une dizaine d’années, Jacco Stuban, a participé toute la mâtinée à l’effort de guerre pour bouger les biens appartenant aux campeurs itinérants. Ces items ont été placés dans des conteneurs fournis par le MTQ pour une période de 3 mois. Ceux-ci seront accessibles quelques heures par jour, en semaine.

«Je ne sais pas où je vais aller, on est tous dans la rue», dit M. Stuban.

On va être dans la rue parce qu’on nous a demandé de partir pour faire des travaux, alors que les vacances de la construction s’en viennent et qu’il ne va rien se passer pendant des semaines.

Jacco Stuban, un résident de longue date du campement Ville-Marie.

Le président de Résilience Montréal, David Chapman, raconte avoir aidé un homme qui fête ses 71 ans le jour du démantèlement à trouver un nouveau lieu pour planter sa tente. Arrivés à un endroit suffisamment isolé et invisible à son goût, d’autres campeurs itinérants déjà présents lui auraient demandé de quitter, de peur de se faire remarquer par les autorités, puis évincer.

«Dans un monde idéal, il y aurait des logements et de l’hébergement adéquats, martèle David Chapman. Là [les campeurs du tunnel Ville-Marie] se dirigent vers des édifices abandonnés. Le plus abandonné le mieux.» Le président de Résilience souligne des enjeux de sécurité avec ces destinations.

Car plus les secteurs occupés par ces personnes sans domiciles sont isolés, plus les risques pour la santé et la sécurité sont élevés. Et c’est sans compter les états dangereux des édifices choisis et l’éloignement des itinérants de leur communauté ainsi que des travailleurs sociaux.

La rue en attendant un logement

De la vingtaine de personnes qui logeaient sous l’autoroute Ville-Marie, à l’intersection de l’avenue Atwater, environ 80% sont en voie d’obtenir un logement subventionné. Jacco Stuban en fait partie.

L’enjeu, c’est que ce processus peut prendre des mois, explique M. Chapman. Il faut avoir des pièces d’identité à jour, avoir fait ses impôts, mais surtout avoir la volonté de l’institutionnalisation, ainsi qu’un revenu – souvent l’aide sociale. Ce n’est pas le cas pour toutes les personnes vivant dans la rue.

Du campement Ville-Marie, les personnes opposées à l’idée d’habiter dans un logement subventionné se comptent sur les doigts d’une main. Les raisons de cette opposition varient. Certaines ne veulent pas partager d’informations personnelles avec le gouvernement, ou ont déjà eu de mauvaises expériences avec des logements subventionnés, énumère M. Chapman.

Une poignée des résidents du campement ont eu accès à un logement dans les dernières semaines.

Les campeurs itinérants seront «dirigés vers des ressources», au besoin, assure le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) sans élaborer sur celles-ci. M. Chapman demeure sceptique quant aux alternatives d’hébergement, qui ne sont pas viables selon lui. Les refuges n’acceptent notamment pas les couples ou les personnes avec des «dépendances actives».

Ce que les personnes vivant dans des campements itinérants recherchent vraiment, ce sont des alternatives adaptées à leurs besoins.

David Chapman, président de Résilience Montréal.

«[Le MTQ] utilise la sécurité comme prétexte de mettre des personnes en danger, insiste M. Chapman. Là, on risque de les perdre avant qu’ils n’aient accès à un logement».

Il reproche au MTQ de ne pas loger temporairement les personnes évincées de sous l’autoroute Ville-Marie, tout comme la poigné de manifestants du Syndicat des locataires autonome de Montréal (SLAM), présent sur les lieux. Ceux-ci jugent que les policiers ainsi que les instances gouvernementales n’en font pas assez – ou pas de la bonne manière – pour soutenir les personnes en situation d’itinérance.

Un territoire appartenant au MTQ

Dès le 12 juillet, l’entrepreneur qui effectuera des travaux dans le secteur sera autorisé à pénétrer sur le site, dit la porte-parole du MTQ, Sarah Bensadoun, expliquant la nécessité de disperser les campeurs. La «structure vieillissante» du viaduc ne leur permettrait pas de demeurer sous celle-ci de manière sécuritaire.

Ce qu’il faut comprendre c’est que le MTQ a une mission de transport, donc d’offrir un réseau routier et de transport qui soit sécuritaire. Nous n’avons pas une mission de santé ou d’habitation.

Sara Bensadoun, porte-parole du ministère des Transports.

Elle assure toutefois que son ministère a sollicité le soutien de collaborateurs gouvernementaux, dont le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), et les CIUSSS Centre-Ouest et du Sud de Montréal. Les intervenants de ces groupes n’ont pas été aperçus sur les lieux. Au moment où ses lignes sont écrites, le MSSS n’avait pas répondu aux questions de Métro. Ils auraient toutefois été «sur le dossier» depuis l’automne.

Dans les heures précédent la prise de possession du secteur sous l’autoroute Ville-Marie, des policiers de la SQ bloquaient le chemin menant vers ce qui restait du campement, alors que les équipes de Résilience s’affairaient. Se sont jointes, entre 8h et 9h, des équipes de travailleurs de rue du YMCA ainsi que des travailleurs sociaux de Mission Old Brewery.

Des agents du SPVM, dont certains de l’Équipe de concertation communautaire et de rapprochement (ECCR) étaient aussi présents, en support à ceux de la SQ. «Je travaille avec eux depuis longtemps, je n’ai pas de problème avec eux», a assuré Jacco Stuban, en faisant référence à ces agents ainsi qu’aux fonctionnaires du MTQ.

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