Banques alimentaires: «l’aide gouvernementale nous fera tenir quelques mois»
Les 34 millions de dollars pour la lutte contre l’insécurité et le gaspillage alimentaires annoncés par le gouvernement du Québec vendredi pourraient s’avérer insuffisants, tellement les besoins en denrées sont importants à Montréal.
D’ailleurs, la plus grosse partie de cette somme, soit 20 millions, devrait permettre aux Banques alimentaires du Québec(BAQ) de réaliser des projets impliquant l’achat d’équipements et l’amélioration des infrastructures d’entreposage de son réseau, alors que des personnes ont besoin d’être nourries.
Seulement 14 millions de dollars sur cinq ans, soit 2,5 millions chaque année, sont réservés à la lutte contre l’insécurité alimentaire à proprement parler dans toute la province. À Montréal, c’est Moisson qui sert de pont entre le gouvernement et les organismes d’aide alimentaire.
«On ne sait pas comment cela va arriver sur le terrain. On n’a reçu aucune information», dit, en entretien avec Métro, Brunilda Reyes de l’organisme Les Fourchettes de l’espoir, à Montréal-Nord. Depuis des années et notamment à la suite de la pandémie, malgré l’aide reçue de Moisson Montréal, son organisme doit dépenser pas moins de 5 000 dollars par mois de sa poche pour répondre à la demande.
Les organismes puisent dans leurs fonds
«La pandémie nous a laissés avec une hausse de 40% et on n’est jamais descendu de là», déplore Mme Reyes. Trois organismes d’aide alimentaire de Montréal-Nord font face à la même situation.
Il s’agit d’une clientèle très variée, observe la responsable communautaire: des familles de nouveaux arrivants, mais aussi des familles monoparentales, des gens qui travaillent, mais «en raison de l’inflation» n’arrivent pas à joindre les deux bouts. «Tout a monté, le prix des produits, le loyer, tout», rappelle Brunilda Reyes.
Je continue de recevoir de Moisson Montréal et je continue d’acheter des fruits et légumes ou encore des produits laitiers qui ne nous sont donnés, par Moisson. Il faut faire des choix. Une semaine c’est du lait, l’autre ce sera des œufs, mais on ne peut pas offrir les deux à la fois.
Brunilda Reyes, directrices des Fourchette de l’espoir
Or, l’aide gouvernementale arrivera au compte-goutte. Selon un communiqué du ministère de l’Agriculture, un premier montant de 6 millions de dollars sera immédiatement accordé à l’organisation Les Banques alimentaires du Québec (BAQ) pour l’achat de denrées alimentaires. Une somme de 8 millions de dollars a été réservée pour les quatre prochaines années afin de répondre de façon coordonnée et durable aux problèmes liés à la sécurité alimentaire.
Juste «pour les prochains mois»
«Si le montant actuel permet de répondre à l’urgence, notre souhait est d’aller au-delà de l’aide ponctuelle afin de mieux coordonner les efforts en la matière et pour les intégrer à nos stratégies de lutte contre la pauvreté», a déclaré la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau.
Et pour les Banques alimentaires du Québec, cela leur permettra de garder la tête hors de l’eau, mais ne saurait suffire face à une hausse des demandes de 33% à l’échelle de la province.
«À l’heure où les demandes d’aide alimentaire n’ont jamais atteint de tels niveaux et où l’inflation entraîne une plus grande insécurité alimentaire, les montants visant l’achat de denrées nous permettront de remplir les tablettes pour les prochains mois avec des produits nutritifs et variés destinés à celles et ceux qui ne mangent pas à leur faim», estime le directeur général des Banques alimentaires du Québec, Martin Munger.
Depuis 1988, le réseau des Banques alimentaires du Québec contribue à nourrir, chaque mois, les quelque 670 000 personnes qui ont besoin d’aide alimentaire. Présent dans toutes les régions, le réseau est constitué de 19 membres Moisson et de 13 membres associés et dessert près de 1 200 organismes locaux.
En 2022-2023, 6,58 millions de kilogrammes de nourriture d’une valeur de 79 millions de dollars ont été récoltés par le biais du Programme de récupération en supermarchés (PRS). Le réseau des Banques alimentaires du Québec vise, pour l’année 2025, par l’entremise du PRS, une collaboration avec près de 645 détaillants. Il entend récupérer ainsi plus de 7 millions de kilogrammes de nourriture.