Acquisition d’immeubles à logements par Montréal: les bottines suivront-elles les babines?
Par l’entremise de son droit de préemption, la Ville de Montréal veut acquérir davantage d’immeubles à logements et de terrains auprès de propriétaires, dont certains gros joueurs. La constitution de cette réserve foncière à l’abri de la spéculation immobilière servira à loger la population plus vulnérable. Une stratégie louable, mais qui représente un «revirement de situation assez inattendu», croit le Groupe Sergakis.
Le vice-président du comité exécutif et responsable de l’habitation à la Ville de Montréal, Benoit Dorais, a indiqué à Métro qu’au moins 100 maisons de chambre détenues par des intérêts privés avaient été assujetties au droit de préemption de la Ville. Quelques conciergeries d’une quarantaine à une centaine de logements se trouveraient aussi dans sa mire.
Selon lui, l’accroissement de la part public dans le parc immobilier de la métropole fait partie des solutions à la crise du logement afin de préserver les logements abordables existants. La Ville a d’ailleurs mobilisé 600 M$ à son programme décennal d’immobilisation pour l’achat de bâtiments.
« Nous sommes ouverts à discuter avec tout le monde qui a des terrains ou des bâtiments situés dans des secteurs d’intérêt », a affirmé le responsable de l’habitation.
Un appel qui a semé un certain étonnement chez le Groupe Sergakis, admet l’avocat et copropriétaire de la société Sébastien Sénéchal. Joint au téléphone, celui-ci a affirmé qu’au cours des trois dernières années plusieurs propositions de vente ont été soumises à la Ville qui les a rejetées.
«M. Dorais nous a dit que ce n’était pas l’envie de la Ville qui manquait, mais bien les moyens. Il semble qu’elle ait trouvé de nouveaux budgets pour procéder à ces acquisitions.»
L’un des projets soumis à la Ville visait un terrain situé sur la rue Saint-Augustin, dans le quartier Saint-Henri, sur lequel cette dernière aurait fait valoir son droit de préemption pour finalement « l’abandonner en cours de route par manque de budget ».
«Chaque opportunité est évaluée rigoureusement en fonction du potentiel et du coût demandé, avec nos évaluateurs et nos professionnels. Au final, il n’a pas été jugé pertinent de procéder avec l’acquisition dans Saint-Henri», a répondu Benoit Dorais à Métro quant à cette allégation.
Une deuxième proposition a également été faite à la Ville par le Groupe Sergakis durant l’année 2020-2021 concernant un terrain de la rue Vaillant. Un immeuble “réduit à l’abandon” y est érigé et appartiendrait à la municipalité, selon les dires de M. Sénéchal.
«Cet immeuble ne tient que par la peur, a-t-il souligné. Le pourtour est maintenu par des structures d’acier et la Ville ne fait rien avec. Nous, on était prêt à leur vendre nos terrains adjacents pour qu’elle puisse en faire un projet porteur de logements abordables. Elle nous a répondu qu’elle n’avait pas de budget. On lui a proposé à la place de prendre leur terrain et de construire quelque chose et de lui louer. Elle nous a répondu qu’elle n’avait pas plus de budgets.»
Une affirmation une fois de plus démentie par M. Dorais.
« Pour le projet sur Vaillant, il n’y a pas eu de discussion avec la Ville, mais avec la [Société d’habitation et de développement de Montréal], a corrigé l’élu. L’organisme (indépendant et autofinancé) n’a pas jugé pertinent de procéder avec l’acquisition en raison des coûts d’acquisition et de construction. »
Quoiqu’il en soit, devant l’intérêt renouvelé par Montréal pour ce genre d’acquisition, M. Sénéchal affirme que le Groupe Sergakis, qui possède plus de 1400 logements dans la grande région de Montréal, compte lui soumettre des projets qui par le passé avaient fait l’objet d’un refus catégorique.
CAPREIT se mêlera-t-elle à la partie?
La société torontoise Canadian Apartment REIT (CAPREIT), le plus grand fournisseur de logements locatifs coté en bourse au Canada, aurait aussi manifesté son intérêt dans la vente d’une centaine de logements à Montréal, selon Radio-Canada.
Son président et chef de la direction Mark Kenny aurait confirmé au média que l’entreprise souhaiterait «vendre pour plus de 500 millions de dollars de propriétés existantes et réinvestir dans des propriétés toutes neuves, en particulier au Québec».
Joint au téléphone, M. Kenny a refusé de commenter cette déclaration ou de confirmer l’intention de CAPREIT d’effectuer ce genre de transactions avec la Ville.