Bacs de recyclage: Montréal a perdu le contrôle
Les neuf arrondissements qui formaient l’ancienne Ville de Montréal ont reçu, au cours de la dernière année, 47 000 bacs d’une valeur totale de 270 000 $. Ces bacs ont été distribués dans ce qui apparaît souvent comme une étonnante désorganisation.
«La Ville a totalement perdu le contrôle sur la distribution des bacs de 35, 64 et 360 litres, a affirmé à Métro Robert Beaulieu, directeur des opérations de l’Éco-quartier de la Pointe-aux-Prairies. Il n’y a aucun contrôle qui est fait. Pire que ça, la Ville n’a même plus de base de données sur les bacs qui sont distribués et à qui ils l’ont été puisque, depuis 2003, les arrondissements ont cessé de l’alimenter.»
Un bac de recyclage de 64 l coûte environ 5,75 $ à la Ville de Montréal. Plus le nombre de bacs commandés est grand, plus le prix à l’unité diminuera.
La ville centre est responsable d’acheminer les bacs de recyclage commandés aux neuf arrondissements qui formaient l’ancienne Ville de Montréal – les autres arrondissements gèrent eux-mêmes la distribution puisqu’il s’agit d’un service de proximité. Les éco-quartiers et les bureaux d’Accès Montréal se chargent ensuite de remettre les bacs aux résidants qui en font la demande. C’est à partir de ce moment que le contrôle de la distribution devient problématique.
La Ville confirme qu’aucune base de données centrale n’existe. «La Ville garde un registre du nombre de bacs qui sont distribués, mais rien ne précise les adresses des gens qui les reçoivent, a précisé Valérie de Gagné, chargé de communications. Chaque arrondissement a le choix de tenir un registre de contrôle. Environ la
moitié des arrondissements le font.»
Toutes sortes de fonctionnement
Puisque les Éco-quartiers et les bureaux d’Accès Montréal sont tous indépendants, chacun a adopté sa propre ligne de conduite. À l’Éco-quartier Parc-Extension, l’adresse et le code postal des résidants qui se présentent pour obtenir un bac de recyclage sont notés sur papier. Toutefois, seules les informations sur les détenteurs de bacs de 360 litres sont informatisées. À l’inverse, l’Éco-quartier de Rosemont-La Petite-Patrie possède une base de données indiquant le nombre de bacs remis par adresse.
Les différents bureaux d’Accès Montréal ont aussi chacun leur mode de fonctionnement. Rosemont-La Petite-Patrie, a indiqué qu’aucune pièce d’identité n’est nécessaire pour obtenir un bac au bureau d’Accès Montréal de l’arrondissement. «Tout ce qu’on a besoin de savoir, c’est s’il est résidant de Montréal», a précisé Pierre Denis, chargé de communication. Par ailleurs, seul un contrôle du nombre de bacs distribués est effectué.
La distribution est plus étroitement gérée dans Ahuntsic-Cartierville. Ann Desrosiers, agente de recherche pour le bureau d’Accès Montréal d’Ahuntsic, a expliqué que les bacs ne sont remis qu’aux résidants de l’arrondissement, qu’une preuve de résidence est exigée et qu’une limite de deux bacs par personne est imposée.
«Chaque fois qu’on remet un bac, on entre la statistique avec le nom et l’adresse du résidant dans le système informatique de gestion de la demande des citoyens», a souligné Mme Desrosiers.
Les risques et les solutions
La multiplication des données et l’absence de statistiques précises sur les bacs distribués à chaque porte rendent le contrôle de la distribution des bacs complexe. Alan DeSousa, responsable du développement durable à la Ville de Montréal, ne s’en inquiète pas outre mesure.
«La plupart des points de distribution utilisent un mécanisme de contrôle, a-t-il déclaré. Si des abus étaient portés à mon attention, je réagirais. Pour le moment, c’est très marginal. Et puisque notre objectif est d’encourager le recyclage à Montréal, les gens doivent pouvoir se procurer des bacs facilement.»
Risque d’abus réel
La facilité avec laquelle les gens peuvent mettre la main sur des bacs rend toutefois le risque d’abus bien réel. «Le système fonctionnant sur l’honneur comporte des lacunes, a confirmé l’équipe de l’Éco-quartier Louis-Cyr, situé dans l’arrondissement du Sud-Ouest. La mise sur pied d’une base de données à la grandeur de l’île de Montréal pourrait au moins permettre aux autorités municipales de sévir.»
«Les bureaux d’Accès Montréal devraient commencer par faire une gestion proactive des bacs qu’ils distribuent, ce qui n’est absolument pas le cas, a ajouté Robert Beaulieu, directeur des opérations de l’Éco-quartier de la Pointe-aux-Prairies. Il n’y a pas de quota, pas de limite au nombre de bacs qui sont remis. C’est aberrant. C’est triste de voir le nombre de personnes qui se procurent des bacs pour autre chose que le recyclage. Les gens s’en servent pour ranger leurs trucs de piscine, pour transporter leurs outils, il y en a même qui s’en servent pour déménager!»
Pas d’intervention
La Ville n’entend cependant pas intervenir. «Dans n’importe quel système, il y a toujours des gens qui vont abuser, a rappelé M. DeSousa. Mais nous croyons en la bonne foi des Montréalais.»