Un pan de la diversité montréalaise, notamment certaines communautés culturelles, ne sera pas visible dans les rues de Montréal cet été. C’est le cas du Festival Carifiesta. D’autres, comme le Festival international de mizik kreyol (FIMK), disent souffrir d’un financement «inadéquat » de la part de la Ville qui octroie pourtant 8 M$ aux festivals et aux événements culturels en 2023 pour plus de 120 projets.
De prime abord, dans un courriel adressé à Métro, la Ville justifie sa décision dans le cas de Carifiesta, qui existe depuis 47 ans, par le fait qu’elle a procédé en 2022 à «une refonte de ses divers programmes de soutien aux festivals et aux événements culturels» dans un objectif de «bonne gouvernance» des deniers publics.
Avant ce remue-ménage, «quelques organismes (dont le promoteur de Carifiesta) recevaient ce qu’on appelle un financement hors programme ou ad hoc», indique au journal Marie-Claude Viau, au nom l’équipe de la Division festivals et événements.
Par souci d’équité envers tous les promoteurs, ce type de financement a été aboli et tous doivent désormais déposer leur projet dans le Programme de soutien aux festivals et aux événements culturels en 2023 (PSFEC) et être évalués par un jury avec les mêmes critères, ajoute l’administration.
Problèmes de communication?
Carifiesta a depuis 12 ans une nouvelle équipe avec Éveriste Blaize comme organisateur principal de l’événement.
«La Ville a communiqué avec lui à plusieurs reprises et a offert des séances d’information publiques et des séances de travail individuelles pour l’accompagner dans le dépôt de son projet. Le promoteur a toutefois préféré ne pas faire appel à notre équipe et de ne pas bénéficier de l’accompagnement proposé», affirme la Ville de Montréal.
«Ça, ce sont des mensonges», rétorque le responsable de Carifiesta, Éveriste Blaize, en entrevue avec Métro. Il affirme avoir rencontré l’équipe de la Ville seulement le 25 juillet 2022 pour discuter de cahier de charge: la logistique de l’organisation du festival principalement.
«Ils m’ont dit, à ce moment-là, qu’ils ne communiquent avec personne après le dépôt de leur demande de subvention. Alors pourquoi ils disent qu’ils ont tenté de me joindre?», se demande M. Blaize qui est allé au dernier conseil d’arrondissement pour questionner la responsable de la Culture à la Ville, Érika Alnéus, sur les raisons du refus de financement.
Problème de gouvernance?
La Ville de Montréal dit déplorer le fait qu’elle n’ait pas été en mesure de prouver que l’organisation du festival caribéen ait «des projections financières réalistes ainsi qu’une saine gouvernance».
Le projet Carifiesta, tel que présenté dans le dépôt au programme n’a pas été jugé viable en 2023 d’un point de vue financier et logistique, sans compter que les enjeux vécus en 2022 n’ont pas été adressés par le promoteur.
Division de la culture de la Ville de Montréal
De son côté, M. Blaize maintient avoir fait les choses selon les règles. En novembre 2022, l’administration municipale avait rencontré tous les organisateurs d’événements pour les informer des changements. «J’étais là, dit M. Blaize, et c’était bien clair ce qu’on a expliqué et j’ai été chercher quelqu’un spécialisé dans les demandes de financement pour remplir le formulaire et m’assurer que cela réponde aux nouvelles normes».
«On me dit que je n’ai pas mis la date de l’événement, que le budget ne faisait pas de sens alors que c’est un budget projeté», peste Éveriste Blaize.
Plusieurs démissions
M. Blaize reconnait quelques ratés au niveau de son Conseil d’administration (CA). En novembre dernier, au moins quatre membres sur cinq ont démissionné, et il les a remplacés. Mais étant donné qu’il n’avait pas de rencontre avec le CA au moment de déposer sa demande, les noms de ces derniers n’apparaissent pas dans les documents officiels, explique l’organisateur d’événements.
Toutefois, une Résolution du conseil d’administration, datée de 2022, autorisant le dépôt de la demande de soutien financier et autorisant M. Blaize à signer tout engagement relatif à cette demande, a été jointe au formulaire d’application selon l’historique du dépôt de la demande que Métro a pu consulter.
Évériste Blaize spécule encore sur les «vraies raisons» derrière cette décision de la Ville.
Je comprends qu’il y a des gens qui parlent de racisme, mais moi je ne sais pas pourquoi en réalité nous n’avons pas eu la subvention.
Éveriste Blaize, responsable de Carifiesta
$5000 à un festival qui a 10 ans
Pour sa part le Festival international de mizik kreyol créole, qui a lieu dans Saint-Michel depuis 10 ans, déplore qu’il ait reçu seulement 5 000 dollars des 8M$ de budget de la Ville. Or, le FIMK coûte un demi-million aux organisateurs qui s’occupent de la sécurité, de l’électricité, de la clôture du parc Frédéric Back devenu Place des chapiteaux.
«5 000 dollars, cela ne répond pas adéquatement à ce qui se fait depuis 10 ans Saint-Michel. Or, on répond à un besoin criant dans le quartier. On a été le premier à le faire, ce qui fait que la Ville encourage d’autres communautés à réaliser leurs événements au même endroit», souligne l’organisateur en chef de l’événement, Lionel Luc, en entrevue avec le journal.
Dans une lettre adressée à la direction du festival et dont Métro a obtenu copie, la Division de la culture de la Ville affirme que ce «projet s’arrime à la vision du Plan stratégique Montréal 2030 dans lequel la culture, qui renforce l’équité et l’inclusion, se déploie dans divers quartiers et encourage une économie plus verte et responsable, en plus d’être considéré comme un levier de développement».
Le FIMK a lieu sur quatre jours cette année, soit du 20 au 23 juillet prochain. Pour la 2e année consécutive, il se tient au parc Frédéric Back, après s’être déroulé pendant huit ans à La Tohu.