Les feux de forêt, extincteur ou carburant de la flamme militante?
Les feux de forêt qui font rage à travers la province et le pays ainsi que l’apparence jaunâtre du ciel montréalais et orangée de celui de New York mettront-ils le feu aux poudres de la colère militante?
Les militants écologistes n’ayant pas été les plus visibles depuis le 1er juin, journée fatidique où les brasiers se sont allumés presque simultanément, Métro est allé à leur rencontre.
Selon les membres de la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES), nous vivons finalement la crise climatique dont les décideurs ont ignoré les avertissements. Sandrine Giérula publiait en milieu de semaine, dans Le Devoir, une lettre ouverte brûlante d’écoémotions. Écrite en pleine crise d’anxiété, le texte compare la crise climatique à l’Hydre de la mythologie grecque. Lorsqu’on coupe la tête de cette créature, deux autres repoussent, ce qui la rend toujours plus forte.
«Il faut arrêter d’essayer de couper des têtes et de les laisser repousser, et commencer à essayer de lui toucher le cœur», image la militante. «Quand est-ce qu’on osera nommer le carburant de notre extinction?» demande-t-elle dans sa lettre intitulée La sens-tu l’apocalypse? Va dehors, elle a une odeur de fumée.
Les feux, une réalité du changement climatique
C’est la question sur laquelle se penche l’organisme Greenpeace. «En termes d’action, dans la rue, concrètes, non, on n’en prévoit pas», avoue Salomé Sané, chargée de campagne climat pour l’organisme. Cela ne veut pas dire qu’elle et ses collègues chômeront dans les prochaines semaines. Ils effectueront un travail de communication, avec les décideurs comme la population.
Pour le reste de l’été, on va communiquer que ces feux sont la réalité du changement climatique et qu’il faut agir maintenant pour responsabiliser l’industrie de l’énergie fossile, qui est la responsable du changement climatique et contribue à l’aggravation de ces feux de forêt.
Salomé Sané, chargée de campagne climat pour Greenpeace
Même son de cloche du côté du directeur des relations gouvernementales d’Équiterre. Les feux de cette fin de printemps 2023 ne feront que renforcer la détermination de l’organisme «à continuer de faire ce qu'[il fait] au quotidien, c’est-à-dire s’attaquer aux racines du problème que sont principalement la surconsommation et l’utilisation d’hydrocarbures».
Du côté de Sandrine Giérula, militante de la CEVES aussi associée au mouvement Le temps de militer, composé de jeunes ayant quitté l’école pour lutter contre la crise climatique, il est clair qu’il faut prendre le temps de se remettre du choc collectif provoqué par les feux de forêt. Rappelons que ceux-ci se sont déclenchés plus tôt qu’à l’habitude et sont d’une ampleur inattendue.
Pourquoi n’est-elle pas dans la rue? Car qui n’attend rien n’a rien. En entrevue avec Métro, elle effleure l’idée d’une action militante pouvant se produire dans les prochaines semaines, sans divulguer trop de détails. Elle terminait d’ailleurs sa lettre ouverte ainsi: «Ce soir je pleure, mais demain, je me soulève. L’indignation doit se partager, la colère doit s’enflammer. Car je refuse de me laisser étouffer sans me battre.»
Pour aider la population à savoir quoi faire de ses écoémotions, elle animera un cercle de discussion, organisé par Le Hub, se voulant un lieu rassembleur et réconfortant pour discuter de solastalgie et écoanxiété (ou écolucidité). «Il faut apprendre à les canaliser en actions», dit-elle.
Des citoyens prêts à s’impliquer
Jacob Pirro, un des deux militants à la base du mouvement Le temps de militer, aussi impliqué avec la CEVES, Le Hub et Extinction Rebellion, indique que, depuis le début des incendies, lui et ses camarades militants et militantes ne cessent de recevoir des messages de citoyens disant vouloir s’impliquer davantage.
Certes, le milieu est fatigué, admet-il, mais les évènements des derniers jours ne font qu’ajouter une motivation additionnelle pour continuer la lutte.
Une combinaison d’actions directes, de manifestations, de pressions et de communication avec le gouvernement sera nécessaire, en plus de mobilisations citoyennes, «pour faire changer les choses et pousser le gouvernement à une réelle action climatique», explique Salomé Sané, de Greenpeace.
Amplifier les témoignages des communautés touchées et démontrer le lien entre les feux de forêt, les dérèglements climatiques et les activités de l’industrie fossile font partie de ces actions, «mais n’excluent rien pour la suite», dit Mme Sané.