Difficile de connaître l’ampleur de la violence dans le transport en commun à Montréal. La Société de transport de Montréal (STM) ne possède pas de données à ce sujet. Elle a dirigé Métro vers le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui a ensuite suggéré au journal de questionner le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). Et ce dernier nous laisse bredouilles.
«Il nous est impossible d’extraire des données relatives à ces circonstances précises, puisqu’il ne s’agit pas d’une infraction spécifique inscrite au Code criminel, mais bien de l’endroit où l’infraction a été commise», répond la porte-parole adjointe du DPCP, Me Patricia Johnson.
Or, la violence demeure bel et bien présente dans le métro. Osman* l’a appris à ses dépens le 30 janvier, alors qu’il sortait d’un wagon de la station Saint-Laurent vers 21h30. «J’ai reçu un coup de poing au niveau de mon œil gauche qui m’a jeté par terre, raconte-t-il. Je suis resté inconscient pendant quelques minutes.»
Après avoir repris ses esprits, la victime, d’origine haïtienne, est allée demander de l’aide au commis à la vente de billets. Mais l’agresseur l’a suivi. «Pendant que j’expliquais cela au commis, l’agresseur est revenu, menaçant, en disant: “Tu veux un autre, tu veux un autre?”», explique-t-il en entrevue avec Métro.
C’est à ce moment que l’employé de la STM a appelé la police, ce qui a fait fuir l’homme. Osman a passé plusieurs heures à l’hôpital, de 22h à 4h le lendemain matin. L’agression lui a laissé des séquelles physiques, mais aussi psychologiques.
Quand je prends le transport en commun, j’ai toujours l’impression qu’il y a quelqu’un qui va venir me frapper.
Osman, victime d’agression de la part de Georges Test
Un homme, onze agressions
À la suite de la déposition de Osman et de l’identification formelle de son agresseur à la police, des accusations ont été portées par le Directeur des poursuites criminelles et pénales contre Georges Test, un homme caucasien.
Selon le DPCP, ce dernier a commis pas moins de 11 agressions dans le métro entre le 25 janvier et le 6 février derniers avant qu’il ne soit finalement arrêté. Il est actuellement détenu. «S’il reste détenu, cela voudrait dire qu’il représente un danger pour le public», estime Fo Niemi du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR). Il aide la victime dans ses démarches judiciaires devant la Cour supérieure.
«De tels incidents sont heureusement rares et le métro de Montréal est sécuritaire», assure toutefois le relationniste de la STM Philippe Déry.
«Nous comprenons néanmoins qu’il s’agit d’une expérience éprouvante pour cette personne et nous espérons que la personne se porte bien et qu’elle n’hésitera pas à continuer à utiliser nos services pour se déplacer», ajoute M. Déry.
La COVID-19 en cause
M. Déry tente de relativiser la situation en faisant remarquer que l’on constate «les mêmes phénomènes et les mêmes enjeux dans nos réseaux que dans les autres espaces publics». La COVID-19 aurait amené son lot de violence et de situations de toutes sortes, selon la STM.
«La pandémie a notamment eu pour effet d’exacerber certains phénomènes sociaux complexes tels que l’itinérance, la toxicomanie ou la santé mentale et on constate l’évolution du profil des personnes qui transitent dans nos stations de métro», note M. Déry.
La société de transport se dit «consciente et sensible aux préoccupations exprimées par [ses] employés et clients face à cette situation» et prône une cohabitation harmonieuse. À cet égard, la STM dit travailler actuellement à la mise en place d’un plan d’action conjoint avec le SPVM afin de mener des actions qui vont permettre d’assurer un équilibre social dans le réseau du métro entre les différentes clientèles d’ici la fin de la période hivernale.
Plusieurs actions de renforcement sont déjà en cours selon les autorités. Au total, 150 constables spéciaux patrouillent les réseaux de bus et de métro de la STM et, en plus des boutons d’urgence 911 dans les autobus, le métro compte plus de 2000 caméras.
*Un nom fictif a été utilisé pour protéger l’identité de la victime.