L’ex-organisateur politique, Gilles Cloutier, a soutenu, mercredi devant la commission Charbonneau, qu’un ami de l’ancien ministre des Transports péquiste, Guy Chevrette, lui a demandé un pot-de-vin pour obtenir un important contrat dans Lanaudière.
À l’été 2000, le ministère prévoyait investir 22 M$ pour construire un tronçon de 31 km pour relier Saint-Donat et Val-des-Lacs, en passant par le parc Tremblant. M. Cloutier a expliqué qu’il a réussi à écarter un consortium formé notamment par la firme Génivar et un proche d’Yves Paquin, maire de Saint-Donat. «Dans le fond, vous avez tassé une magouille pour en faire une autre ?», a demandé la procureure Sonia LeBel. «Exactement», a-t-il rétorqué.
Le témoin a affirmé que Gilles Beaulieu, «grand ami» du ministre Chevrette, lui a demandé 100 000$ pour remporter le contrat. Il a honoré le premier versement de 25 000$, mais il ignore toujours si Roche à payé la balance. Il a par contre garanti que jamais il n’avait parlé de «sous» avec le ministre.
Selon M. Cloutier, l’argent aurait couvert les frais d’un voyage qu’ont fait MM. Chevrette et Beaulieu avec leurs conjointes respectives par la suite.
Pour s’assurer d’obtenir de façon «légitime», il a choisi les membres qui siègeraient au comité de sélection. L’un d’eux lui a d’ailleurs confirmé que Roche avait le contrat, avant même que le ministre ne le sache.
Par la suite, le ministre lui aurait demandé de confier le contrat de construction à «un de leurs amis communs» : Pavages Desjardins. M. Cloutier s’est assuré de truquer l’appel d’offres afin que l’entreprise soit retenue.
«Dans le fond […], il y avait une magouille, comme j’ai expliqué. Chevrette a enlevé la magouille de Saint-Donat, mais Cloutier, Roche et Chevrette ont fait une nouvelle magouille», a-t-il dit.
Séjour à Pointe-au-Pic
L’homme de 73 ans a aussi raconté que M. Chevrette a séjourné en 2004 ou 2005 dans sa maison d’été de Pointe-au-Pic dans La Malbaie, au frais de Roche.
Le maire de Boisbriand, Robert Poirier, le maire de Sainte-Julienne Marcel Jetté et d’autres élus y ont aussi passé quelques jours dans le «plus beau spot de la région» qu’il louait six semaines par été à Roche.
Ce n’était qu’une façon d’amadouer les élus ce qui permettait à sa firme de «contrôler» une municipalité. En 2001, c’était une façon d’avoir de l’information privilégiée en avance.
«La principale raison d’être pour un type comme moi […] c’était de découvrir rapidement, par contact, où il pouvait y avoir de l’ouvrage bientôt», a candidement expliqué celui qui aurait permis à Roche de s’implanter dans 160 municipalités entre 1995 et 2005.
«J’ai fait de la magouille. J’ai fait de la collusion, pis j’ai fait même de la corruption, et je me suis servi du ministre. Il y avait deux magouilles. J’en ai défait une, mais on en a remonté une autre», a conclu Gilles Cloutier.
Sauriol a placé Léger à la Ville
Gilles Cloutier a raconté que l’ex-vice-président de Dessau, Rosaire Sauriol, avait «placé» Claude Léger au poste de directeur général à la Ville de Montréal.
«C’est Sauriol qui a fait les démarches pour faire engager Claude Léger comme DG de Montréal», a affirmé celui qui a travaillé au développement des affaires chez Dessau en 2006.
Placer des personnes au sein des administrations municipales ou engager des fonctionnaires d’expérience dans les firmes d’ingénierie était une pratique courante dans le milieu, a-t-il soutenu.
«Les meilleurs hommes ont été débauchés par les firmes de génie, a-t-il dit. La collusion est devenue encore plus facile. Le ministère se ramasse avec des gens qui ont deux ou trois ans d’expérience qui sortent de l’université.»
Louer sa maison de Pointe-au-Pic
Le témoin a aussi expliqué qu’il louait sa maison de Pointe-au-Pic, dans La Malbaie, pendant un peu plus d’un mois en été. Le «plus beau spot» de la région a reçu «des ministres, des maires et des élus».
Selon M. Cloutier, le péquiste Guy Chevrette, ministre des Transports entre 1998 et 2002, y a séjourné en 2004 ou 2005. Le maire de Boisbriand, Robert Poirier, a également séjourné dans la maison de M. Cloutier, tout comme Marcel Jetté, le maire de Sainte-Julienne, qui s’y est rendu avec sa famille puis avec son conseil municipal, pour ne nommer que ceux-ci.
La firme de génie Roche payait jusqu’à 10 000$ par mois pour louer sa résidence d’été de 11 chambres à coucher.
La moitié des contrats n’étaient pas conformes aux règles
L’homme de 73 ans qui s’est occupé du développement des affaires chez Roche a expliqué que dans la moitié des contrats, les firmes ne suivaient pas les règles.
«Dans 50%, on suivait les règles, mais l’autre 50%, on ne les suivait pas. Dans ce 50%, j’étais un spécialiste pour trouver les informations», a lancé celui qui a dit avoir permis à Roche de s’implanter dans 160 municipalités entre 1995 et 2005.
Selon lui, trouver cette information le plus rapidement possible était «la principale raison d’être pour un type comme [lui]».
Il a raconté que François Legault l’a déjà appelé pour l’informer des contrats à venir pour certaines municipalités comme Sainte-Julienne. Avec cette information, il contactait le maire de la municipalité concernée pour s’assurer d’avoir les mandats reliés à ces contrats.
M. Cloutier a raconté qu’il organisait des cocktails, dont un annuel au Stade olympique, où il invitait des ministres et des maires «pour les mettre en contacts».
«Je disais aux maires: ton dossier [dont] tu nous as parlé… si tu veux le finir, viens à la soirée de Roche, Mme Harel (ministre des Affaires municipales entre 1998 et 2002) va être là et tu vas pouvoir lui parler de la subvention», a-t-il affirmé, expliquant que ces soirées pouvaient couter jusqu’à 140 000$. Tous les convives savaient qu’ils étaient invités par Roche.
«Gérald Tremblay avait sa lettre quand il est venu», a-t-il dit, contredisant ainsi l’ex-maire de Montréal.
La commission a déposé une vidéo d’une de ces soirées, en 2004, à laquelle ont assisté de nombreux élus, dont les libéraux Jean-Marc Fournier, Tony Tomassi, Michel Bissonnet et Jacques Dupuis.
Le maire Gérald Tremblay, Frank Zampino, Francine Sénécal, Michel Prescott, Louise O’Sullivan, Helen Fotopoulos, Alan de Sousa, Cosmo Maciocia, Carol Beaupré et Marcel Tremblay ont aussi assisté à la soirée
«Je ne sais pas s’il reste encore quelqu’un à la Ville de Montréal», a lancé l’ex-joueur du Canadien de Montréal Pierre Bouchard, qui animait la soirée.
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