«Blessé», l’ex-maire de Montréal, Gérald Tremblay, a terminé son témoignage devant la Commission Charbonneau lundi, qui le traduit en personne isolée qui n’a pas cherché à savoir ce qui se passait dans son administration.
Au moins trois signaux d’alarme sont passés par les mains de ses proches collaborateurs, mais jamais ils ne lui en ont fait part.
Ce n’est qu’en 2012, quelques mois avant son départ, qu’un rapport daté de 2004 sur le manque d’ouverture du marché montréalais atterrira sur son bureau. Pourtant l’ex-président du comité exécutif, Frank Zampino, et l’ancien directeur général de la Ville Robert Abdallah l’avaient en main.
«Vous n’étiez pas dans une tour d’ivoire, vous deviez avoir des échos?», lui a demandé la juge France Charbonneau. «Non », a répondu le témoin, expliquant qu’il était trop occupé par les jeux aquatiques de la FINA.
Ce n’est qu’en 2009, à la lecture du rapport du vérificateur général, qu’il prendra connaissance d’un autre rapport, daté de 2006. Une lettre accompagnant ce rapport indiquait que quatre entreprises (Louisbourg, Infrabec, Pavages CSF et Sintra) accaparaient 56% des travaux à Montréal. Son ex-directeur général, Claude Léger et Frank Zampino possédaient cette lettre. «Je ne sais pas pourquoi [ils ne m’ont pas informé]», a affirmé le maire, lundi.
Même constat pour le «cri d’alarme» de Réjean Lévesque, directeur du service de l’eau qui écrit à son patron en 2007 pour lui demandé de reporter l’appel proposition dans le dossier des compteurs d’eau. Ce dernier n’a toutefois pas transmis ses inquiétudes aux hautes instances. «La culture de la Ville, c’était : « il y a un patron, tu parles à ton patron », a indiqué M. Tremblay pour expliquer que M. Lévesque ne se soit pas adressé au maire voyant l’inaction de son patron. Les gens avaient peur d’être tablettés, mis à la retraite s’ils passaient par-dessus la tête de leur patron.»
Une démission précipitée par des allégations
M. Tremblay a par ailleurs contredit le témoignage de Martin Dumont, un ancien organisateur politique qui avait affirmé que M. Tremblay avait fait de l’aveuglement volontaire lorsque l’agent officiel du parti Marc Deschamps avait parlé d’un «budget officiel» et d’un «budget officieux».
Cette allégation avait mené à sa démission, a expliqué M. Tremblay, critiquant du même souffle le gouvernement qui ne lui a pas offert de support moral. «J’ai eu un appel [de la première ministre], a-t-il raconté, encore amer. La première question était : ta réflexion est-elle terminée? Ca n’a pas duré longtemps.»
Par ailleurs, il comprend mal pourquoi M. Dumont a voulu être candidat d’Union Montréal par la suite s’il était conscient de cette double comptabilité.
Dans un communiqué envoyé lundi en fin de journée, M. Dumont maintient intégralement sa version des faits et trouve que les affirmations de M. Tremblay à son égard lors de son passage à la commission sont d’une «totale incohérence».
Des cadeaux «pas significatifs»
L’ex-maire de Montréal, Gérald Tremblay, a admis devant la Commission Charbonneau, qu’il a reçu des cadeaux «d’usage» et qu’il ne voit pas de problèmes que des élus soient invités dans des loges pour du hockey ou des spectacles. «Je tiens pour acquis que mes élus soient capables de faire la part des choses», a-t-il déclaré.
Indiquant que les élus sont obligés depuis 2009 de signer un document pour publier leurs invitations, M. Tremblay a expliqué que lui-même avait reçu des cadeaux «d’usage» principalement pendant les Fêtes. «Je les ai distribués à des collaborateurs ou donnés à des œuvres de charité, a-t-il affirmé. Les organismes de charité pouvaient mettre ça à l’encan, mais leur valeur reposait essentiellement sur ma signature sur la bouteille.»
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Contredire Jacques Duscheneau
M. Tremblay est aussi revenu sur des déclarations du député caquiste et ex-directeur de la police de la Communauté urbaine de Montréal Jacques Duchesneau qui lui aurait dit de se méfier de quatre personnes dans son entourage. «Il ne m’a jamais mentionné ça. Mon chef de cabinet ne se souvient pas de ça. J’ai interpellé Duchesneau sur la place publique à cinq reprises pour qu’il nomme les noms.»
Tremblay offre sa version
L’ex-maire de Montréal, Gérald Tremblay, a contredit le témoignage d’un ancien haut fonctionnaire à l’Hôtel de Ville de Montréal.
Selon M. Tremblay, il n’a appris qu’en février 2005 que la Ville avait enclenché un processus d’optimisation, en réponse à la fermeture du marché montréalais.
Pourtant, Serge Pourreaux, son ancien directeur de l’approvisionnement, soutenait que l’ancien maire avait assisté à «plus d’une réunion» de ce comité d’optimisation. À l’une d’elles, Gérald Tremblay l’aurait d’ailleurs apostrophé aux toilettes pour lui dire qu’il était content des économies de 45 à 50 M$ envisagées.
«Cet événement a eu lieu, mais c’était pendant un comité exécutif, a précisé M. Tremblay. Il doit se tromper avec un comité exécutif. Je ne suis pas présent au comité d’optimisation. Je n’ai jamais entendu parler du rapport de 2004, lors d’une réunion.»
Cette démarche d’optimisation, qui a mené à l’embauche de la firme Macogep, a été mise en branle après le rapport accablant de 2004 sur la fermeture du marché montréalais.