Les dernières données de la Société d’hypothèques et de logement (SCHL) sur les loyers à Montréal sont-elles «très éloignées de la réalité des logements disponibles sur le marché», comme l’affirme le regroupement de locataires RCLALQ?
Les écarts entre les données provenant des deux sources sont très marqués. Par exemple, dans son rapport de juin 2022, le RCLALQ estime que le loyer mensuel moyen dans la région de Montréal en 2022 était de 1448 $ pour un 4 ½. C’est 42% de plus que l’estimation de la SCHL, à 1022 $.
Pour établir ses moyennes, la SCHL fait un sondage auprès des propriétaires et prend en compte l’ensemble des logements sur le marché montréalais, qu’ils soient actuellement vacants ou occupés par un locataire.
De son côté, le RCLALQ compile plusieurs dizaines de milliers d’annonces de logements à louer sur le site Kijiji. Seuls les loyers demandés pour les logements vacants et affichés sont donc considérés.
Cette exclusion des logements occupés par le RCLALQ explique l’écart des moyennes. Pour preuve, la SCHL évalue que le loyer mensuel moyen des unités inoccupées était de 1417 $ pour un 4 ½ en 2022, une évaluation très proche du loyer moyen calculé par le RCLALQ (1448 $).
Par ailleurs, seulement 2,3% des logements sont inoccupés, selon la SCHL. C’est pourquoi le loyer moyen d’un 4 ½ à Montréal, unités vacantes et occupées confondues (1022 $), est beaucoup plus proche de la moyenne des unités occupées (1015 $).
La moyenne des logements affichés – ce que calcule le RCLALQ – tient compte de logements qui sont disponibles à la location, mais trop chers par rapport au marché et qui ne seront pas nécessairement loués.
Déconnectée de la réalité, la SCHL?
«La SCHL comptabilise les loyers moyens des locataires n’ayant pas déménagé et ne tient pas compte de l’explosion des loyers pour les logements qui sont disponibles sur le marché locatif», avance le RCLALQ dans son rapport.
Même les données de la SCHL sur les loyers des logements inoccupés seraient trompeuses, conclut le RCLALQ, puisque le sondage est réalisé au 1er octobre de chaque année, où la demande est moins forte.
Ces critiques sont rejetées par l’économiste de la SCHL pour la région de Montréal, Francis Cortellino. Les moyennes de la SCHL et du RCLALQ sont simplement des «indicateurs différents» qui «mesurent des choses différentes», résume-t-il.
Un avis partagé par le directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche, qui estime que les deux études sont pertinentes et rigoureuses. La méthode du RCLALQ «nous donne une idée du loyer moyen qui est mis en marché à vue, explique-t-il. Par contre, ça ne nous dit pas combien les gens payent de loyer. Là, il faut aller dans les enquêtes SCHL.»
«L’évolution de chaque indicateur à travers le temps […], c’est intéressant, parce qu’on peut voir comment évoluent différentes facettes du marché de l’habitation», ajoute-t-il.
Déménager, ça coûte cher
Malgré leurs différences méthodologiques, les études de la SCHL et du RCLALQ arrivent toutes deux à la même conclusion: il est coûteux de déménager.
La SCHL évalue que le loyer moyen payé par les nouveaux locataires est 1235 $ par mois pour un 4 ½. Ainsi, il y a donc un écart de 28% entre le loyer moyen des nouveaux locataires et celui des locataires ayant conservé leur logement (963 $).
Pour une personne qui déménage cette année à Montréal, c’est cette donnée, la moyenne 1235 $, qui serait la donnée la plus importante, selon Francis Cortellino.
«C’est probablement le meilleur chiffre à faire ressortir de tout», abonde Jean-Philippe Meloche.