«Il n’y a aucun doute à avoir: l’hôpital Maisonneuve-Rosemont sera modernisé», assure le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé. Ce dernier avait alloué fin 2021 un premier montant de 2,5 G$ pour la rénovation du bâtiment, réclamée de longue date. Mais les retards accumulés dans le projet ont entraîné une explosion des coûts: ceux-ci sont aujourd’hui évalués à 4,2 G$. Et le projet avance trop lentement aux yeux de plusieurs, y compris le Dr François Marquis.
Après les révélations de Radio-Canada, le ministère a finalement revu sa copie. Il promet d’«engager toutes les sommes nécessaires» pour permettre la rénovation complète de l’établissement. Et de garantir que le projet débutera «le plus rapidement possible».
Si différentes pistes ont été évoquées, aucun échéancier des travaux n’a encore été présenté. Le député de Rosemont et porte-parole de Québec solidaire en matière de santé, Vincent Marissal, reproche à la CAQ de tourner autour du pot.
Dans deux ans, ça va être plus cher, si on continue de tergiverser. Chaque jour, on perd de l’argent, les coûts ne vont pas diminuer. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité absolue. Ça fait des années qu’on tourne autour du pot.
Vincent Marissal, député de Rosemont
Il n’est d’ailleurs pas le seul à demander au gouvernement d’accélérer le pas. Le Dr François Marquis, qui n’en est pas à son premier coup d’éclat concernant la vétusté de l’hôpital, s’inquiète du report du projet. Le chef de service des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont craint une «catastrophe d’un point de vue humain et financier».
«En reportant, on exacerbe un problème qu’on veut éviter. Reporter le chantier à 2030, ce sera encore plus cher. Entre-temps, le maintien des activités va être un puits sans fond. Soit on le fait, soit le gouvernement dit “on abandonne l’Est, c’est pas une population importante”. Si on ne rénove pas, ils sacrifient un dixième de la population du Québec. Je ne pense pas que c’est là qu’ils veulent aller.»
Des bris de service à attendre
Le Dr Marquis répète que l’hôpital fait face à un «très, très gros problème» et qu’il manque de lits, tout en soulignant que l’établissement de santé doit composer avec une affluence d’ambulances supérieure à ses capacités. Il craint que l’accumulation des retards, conjuguée à la non-rétention du personnel et à la hausse de la fréquentation de l’hôpital, cause «des bris de service majeurs».
L’hôpital Maisonneuve-Rosemont rencontre déjà des difficultés pour traiter sa patientèle. Et les autres établissements de l’île de Montréal, également confrontés à un fort afflux de patients, ne seraient pas en mesure de soulager Maisonneuve-Rosemont.
«Ajoutez à ça que le building est tellement désuet, ça se peut qu’il décide à notre place, avec des pans de murs qui peuvent s’écrouler. Il y a toujours un risque de manger une brique sur le crâne, c’est la raison pour laquelle l’hôpital est entouré de broches», insiste-t-il.
De plus, les marges de manœuvre pour la réalisation des travaux seraient compliquées par l’état des bâtiments. Le chef de service indique qu’il faudrait couper l’électricité dans des secteurs de l’hôpital pendant les travaux, en raison d’un réseau électrique vieillissant.
Les planchers ne sont pas assez solides pour mettre les équipements médicaux neufs. Il n’y a pas de réparation ou de rénovation possible; on doit construire. Une mise à niveau des locaux existants est impensable. C’est comme de dire qu’on voudrait prendre un immeuble ou transformer le Stade olympique en hôpital. Cet hôpital n’est pas compatible avec ce qu’est devenue la médecine.
Dr François Marquis, chef de service des soins intensifs de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont
Une étude publiée en février sur CMAJ Open, une publication scientifique destinée aux professionnels de la santé, faisait le lien entre la vétusté des lieux et une propagation plus importante des cas de COVID-19.
Un repoussoir à professionnels
Finalement, les professionnels de santé ne seraient pas attirés par un environnement de travail vétuste. Sous anonymat, une infirmière ayant travaillé à l’hôpital de Rosemont indique avoir vu «des dizaines de préposés et infirmières partir» avant elle.
«Pourquoi j’irais risquer ma santé physique et mentale alors que je peux aller travailler ailleurs, au centre-ville, dans des conditions meilleures?», dit-elle. «Si on construisait du neuf, on aurait de l’attractivité. Mais là, il n’y a rien qui est concret, ce sont des promesses. La preuve, c’est qu’on les repousse», poursuit le Dr Marquis.
Le ministre Dubé assure connaître «l’importance d’un bel environnement de travail pour attirer et retenir les professionnels sur le terrain». Il ajoute que «c’est d’ailleurs pourquoi les travaux sont en branle pour l’hôpital».
Le chef de service de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, comme de nombreux employés, attend maintenant un plan et un échéancier clairs. Mais il prévient qu’une simple rénovation ne sera pas suffisante. «Rehaussons le budget, reconstruisons à neuf, ça prend de la volonté», dit-il.
Le Dr François Marquis appelle également à ne pas «pas couper dans des parties. On ne demanderait pas à une famille de 14 de vivre dans un 1 1/2.»