Oui, le country est en pleine explosion au Québec
L’époque où on n’assumait pas d’écouter du country est révolue. Le genre longtemps qualifié de quétaine connaît aujourd’hui un nouvel âge d’or, notamment grâce au nouveau country et à l’engouement des plus jeunes.
«Les sonorités parfois plus proches de la pop que du western rendent ce style plus accessible et on reste toujours étonnées de voir à quel point il y a de plus en plus de jeunes qui en écoutent. On assiste vraiment à un nouveau tournant pour le country au Québec en ce moment», font valoir Vickye Morin et Joelle Proulx, fondatrices de l’agence Ranch, qui représente notamment les artistes Matt Lang et Léa Jarry.
Le festival Lasso à l’assaut de Montréal
Le festival de musique country Lasso s’apprête à conquérir le public au parc Jean-Drapeau les 12 et 13 août. Il s’agit d’une grande première pour un événement de ce genre dans un milieu urbain. Vu l’engouement qui ne cesse de grandir autour de ce genre musical au Québec, notamment chez les jeunes, le directeur de la programmation, Nick Farkas, qui est aussi derrière Osheaga, n’a aucune crainte quant au succès de Lasso.
«Avec l’annonce du festival en 2020, on a vu engouement et un intérêt jamais vus avant. Le monde du country au Québec avait besoin de ça: Montréal est le deuxième marché le plus fort, juste derrière Toronto. Je pense que le country n’a jamais été vraiment exploité ici. Aujourd’hui, il y a vraiment un intérêt pour [ce genre] au Québec», analyse-t-il.
Il n’est pas le seul à faire ce constat. Guillaume Laflamme, responsable de la programmation du Festival country de Lotbinière, confirme avoir «vu une croissance [de l’achalandage] dans les dernières années».
«Nous avons été le tout premier festival dédié 100% à la musique country au Québec. Lors de cette première édition en 2015, nous avons eu un peu plus de 1000 personnes pour deux jours de festivités. En 2022, nous avons eu près de 12 000 festivaliers pour trois jours de festivités», précise-t-il.
Plus récemment, Luke Combs a attiré des milliers de spectateurs à lui seul au Festival d’été de Québec (FEQ). Surtout, il a conquis un public jeune, et qui ne cesse de se développer.
De Kendrick Lamar à Luke Combs
Avant toute chose, il faut bien différencier le country traditionnel du nouveau country. Si le premier a surtout eu du succès dans le monde anglophone par le passé, sa popularité n’a jamais atteint des niveaux aussi élevés au Québec que dans le reste du Canada, ou aux États-Unis. En revanche, la nouvelle vague, plus proche de la pop ou du rock, déferle aujourd’hui sur la province.
On a souvent dit que c’était quétaine, et de la musique de région, alors qu’aujourd’hui, on sent une plus grande ouverture.
Vickye Morin et Joelle Proulx, fondatrices de l’agence Ranch
«On intègre de plus en plus le country dans les grands médias et les grands festivals», expliquent Vickye Morin et Joelle Proulx. «L’arrivée d’un country plus pop et plus rock a attiré de nouvelles générations d’auditeurs et de spectateurs, mais aussi d’artistes», font-elles valoir.
Et pour preuve, «75% de notre clientèle ont entre 18 et 35 ans, c’est énorme», indique le responsable programmation du Festival country de Lotbinière. Guillaume Laflamme affirme voir de plus en plus d’ados aux concerts de country.
«Disons qu’à mon école secondaire, dans les années 2005-2009, personne [n’en] écoutait», ajoute-t-il.
Selon Gabriel Marineau, l’animateur de l’émission Zone New Country, sur la station WKND 91,9 à Québec, cette nouvelle génération trouve à travers le nouveau country une façon «de se démarquer».
«À mon sens, c’est la même [génération] qui écoute Kendrick Lamar qui va écouter Luke Combs», lance-t-il.
La nouvelle musique populaire
Nick Farkas gère la programmation chaque année pour Osheaga: il connaît bien les goûts et attentes d’un jeune public. S’il s’attend à voir une déferlante de 18 à 30 ans, il croit que le nouveau country «traverse tous les âges». Car tout en ayant trouvé un jeune public, il est aussi venu combler le vide laissé par l’essoufflement du genre rock.
«L’arena rock des années 80, à l’image de Bon Jovi ou des Scorpions, est mort. C’est aujourd’hui le country qui fait ces chansons à grand déploiement. C’est là où le Québec raccroche, et ça peut être multigénérationnel», estime Louis Bellavance, directeur de la programmation du FEQ.
Il voit ainsi beaucoup de potentiel dans le marché du country au Québec. Il n’est d’ailleurs pas le seul à l’avoir senti. Quand Vickye Morin et Joelle Proulx ont fondé l’agence Ranch, elles étaient toutefois «loin de se douter qu’autant de gens suivraient la vague».
Si ce genre musical a le vent en poupe depuis une dizaine d’années dans la province, l’émergence de jeunes artistes a eu un fort impact sur sa popularité grandissante.
Nous avons lancé notre agence il y a trois ans et depuis, c’est la folie. On se fait proposer des nouveaux projets pratiquement chaque semaine.
Joelle Proulx et Vickye Morin, cofondatrices de l’agence Ranch
«On pense que plus que jamais, les gens ont envie de se rassembler et qu’une soirée country est l’endroit idéal pour le faire», soutiennent-elles.
Une popularité grandissante
Des accords simples, des mélodies entraînantes et des paroles universelles, c’est la recette d’un morceau de country réussi. Les adeptes s’identifient ainsi rapidement aux thèmes, toujours rassembleurs, de l’amour à la fête.
Il s’agit aussi d’un type de musique qui parle à l’imaginaire de beaucoup de Québécois, à travers l’évocation des feux de camp, ou des rencontres autour d’une bière entre chums, évoque l’animateur de l’émission Zone New Country.
Le country est avant tout une musique qui se veut populaire. Une raison pour laquelle de plus en plus de musiciens country sont si souvent qualifiés d’artistes de la pop. Au revoir le chapeau de cow-boy, bye le banjo, le country moderne débarque avec des codes plus modernes, ce qui a notamment permis à ces musiciens de séduire un public plus jeune.
Les amoureux du genre et l’industrie musicale auront les yeux (et surtout les oreilles) rivés sur le festival Lasso, la fin de semaine prochaine. Avec «une société francophone qui répond à d’autres codes», rappelle M. Bellavance, le succès de l’événement est un enjeu dans une province pas tout à fait conquise par le country. Il pourra compter sur des invités de marque: Kelsea Ballerini, Luke Bryan, Dierks Bentley ou encore Ashley McBryde.
«C’est la plus belle année pour la new country dans le Québec. Si on est capable d’avoir autant de spectacles que cette année dans les prochaines, on n’aura plus besoin de faire des roadtrips de plusieurs heures à l’extérieur de la province pour voir nos artistes préférés», s’enthousiasme Gabriel Marineau.