Les fausses factures de Génivar
Chez la firme de génie-conseil, Génivar, la fausse facturation pour payer Union Montréal était un «phénomène fréquent», a expliqué mercredi un ex-vice-président de la firme qui poursuit son témoignage devant la commission Charbonneau.
Génivar aura remis entre 300 000$ et 400 000$, de 2004 à 2008, à Bernard Trépanier, surnommé M. 3%, l’ex-argentier du parti de l’ex-maire Gérald Tremblay, Union Montréal, a indiqué François Perreault. Il a expliqué que les factures étaient faites à des sous-traitants, qui étaient plutôt des «compagnies bidons», et à des «coquilles vides».
Plusieurs personnes étaient au courant au sein de la compagnie, mais il aura fallu des reportages de journalistes pour que la compagnie cotée en bourse depuis 2006 se lance dans une enquête interne pour découvrir de fausses factures.
C’est grâce aux conclusions de cette enquête que M. Perreault peut expliquer aujourd’hui le stratagème, s’appuyant sur 17 fausses factures.
L’ex-vice-président a raconté qu’il émettait des factures à de «fausses compagnies» qui leur remettaient de l’argent comptant, en échange d’une commission.
Ces sommes, prévues pour les coffres d’Union Montréal, n’étaient pas facturées comme des extras, mais plutôt comme des dépenses calculées dans le montant forfaitaire du contrat, ce qui «amputait» le profit de la compagnie.
«C’était la façon de faire si on voulait des contrats», a-t-il expliqué.
Il est revenu sur une facture de mai 2008, où il a facturé 57 000$ à une compagnie administrative pour donner de l’argent comptant à M. 3%.
Le système avait été maintenu à l’insu de la haute direction de la compagnie. M. Perreault affirme toutefois avoir payé pour ses manigances après les résultats de l’enquête interne.
«J’ai payé pour ça, en 2010, a-t-il indiqué. J’ai laissé mon boni de 100 000$ et j’ai eu une lettre réprimande.»
M. Perreault a indiqué qu’il aborderait le cas de la Ville de Laval plus tard dans son témoignage.
Comment fonctionne la fausse facturation chez Génivar
Génivar avait besoin d’argent comptant pour payer la cote de 3% sur les gros contrats de la Ville à l’ex-argentier du parti Union Montréal, Bernard Trépanier, surnommé M. 3%.
Une compagnie – comme un individu – ne peut toutefois pas légalement retirer d’importantes sommes d’argent de ses coffres et la faire «disparaître», sans attirer l’attention des autorités.
Pour ce faire, Génivar émet une facture au nom d’une compagnie «bidon» ou d’une «coquille vide» pour de faux travaux exécutés.
Qu’elle se nomme Aladin, Extra ou Exekute, la compagnie spécialisée dans ce type de stratagème encaissera le chèque contre la fausse facture et remettra de l’argent comptant à Génivar, moins une commission équivalant de 10% à 15%. Elle-même utilisera d’autres compagnies bidon pour «officialiser» ses dépenses.
Par exemple, la firme Bidon inc. facture 57 000$ à Génivar pour la «surveillance d’un chantier» lors d’un contrat. Génivar acquitte le montant par chèque et reçoit 50 000$ en argent comptant. Bidon inc. doit toutefois justifier sa dépense de 50 000$. Elle usera de comptabilité créative en émettant des factures à d’autres coquilles vides.
Génivar, une firme de génie-conseil, ne peut toutefois pas charger des extras bidons sur un chantier, comme le faisait la compagnie de Lino Zambito qui pouvait facturer des tonnes de gravier supplémentaire. Les sommes versées à M. 3% sont donc amputées des profits de Génivar, qui agissait ainsi puisque c’était l’unique manière d’obtenir une part des contrats importants à la Ville de Montréal, a expliqué François Perreault, un ancien vice-président de Génivar qui témoignait devant la commission Charbonneau.