Montréal

Un an après Joyce Echaquan, les Autochtones attendent toujours

Bien que le décès de Joyce Echaquan, une mère de famille atikamekw décédée sous une pluie d’insultes racistes à l’hôpital de Joliette, ait pu sensibiliser des Québécois au racisme vécu par les Autochtones, il reste encore beaucoup à faire pour opérer de réels changements en ce premier anniversaire de la tragédie. Et ces actions commencent par la reconnaissance du racisme systémique et l’adoption du Principe de Joyce, disent plusieurs.

La directrice générale du foyer Femmes Autochtones de Montréal, Nakuset, pense que les images tournées par Joyce Echaquan quelques instants avant sa mort ont permis de conscientiser la population à la discrimination vécue par les Autochtones.

«Nous partageons différentes formes de racisme dans le domaine de la santé depuis des années, précise-t-elle. Mais, quand c’est dans votre visage, les gens nous croient.»

Le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL), Ghislain Picard, est aussi d’avis que Joyce a mis au grand jour le racisme systémique dont sont victimes les Autochtones. «L’électrochoc qu’on a eu depuis le décès tragique de Joyce, je pense que ça a contribué à changer bien des attitudes, strictement au niveau sociétal», dit-il.

La présidente de Femmes autochtones du Québec (FAQ), Viviane Michel, souligne aussi que les Autochtones ont pu tirer des leçons de la tragédie. 

«Joyce Echaquan nous a enseigné de dénoncer et de porter plainte. En même temps, elle nous a enseigné aussi de se tenir debout et de ne plus laisser passer ce genre de propos racistes à l’intérieur des institutions», affirme-t-elle. 

Mme Michel estime que, malgré cet anniversaire douloureux, les non autochtones prennent plus au sérieux les dénonciations des personnes autochtones depuis la mort de Joyce Echaquan. «Les gens sont plus au courant et deviennent plus compatissants», ajoute-t-elle. 

Malgré ces avancements, le changement s’opère à «pas de tortue», fait remarquer la femme innue.

Dans l’attente d’actions significatives

En effet, selon Mme Michel et Nakuset, les premières actions vers une réconciliation sont la reconnaissance du racisme systémique au Québec, ainsi que l’adoption du «Principe de Joyce».

Le Principe de Joyce est une déclaration qui vise à garantir à tous les Autochtones le droit d’avoir accès à tous les services de santé et les services sociaux. Et ce, sans aucune discrimination.

«Peut-être que si le gouvernement imposait ces mesures sous peine d’appliquer des conséquences pour les institutions, ce serait mieux. La personne qui a maltraité Joyce ne pensait pas qu’il y aurait des conséquences et c’est pour cela qu’elle l’a fait», fait valoir Nakuset.

Malgré le soutien important du gouvernement fédéral, des universités, des ordres professionnels et des associations du domaine de la santé, Québec refuse de reconnaître l’existence du caractère systémique du racisme ou d’adopter le Principe de Joyce.

«J’ai vraiment de la misère à comprendre le gouvernement Legault, qui nie qu’il y a du racisme et de la discrimination systémiques. Joyce en a été la preuve, d’autres personnes en ont été la preuve», plaide Viviane Michel. 

Le chef Picard déplore aussi la position du gouvernement du Québec. «C’est sûr que s’il y avait un changement de ton, puis que le gouvernement admettait que c’est un état de fait et qu’il faut y remédier, je pense que ça viendrait donner une certaine assurance aux personnes Autochtones qui ont à utiliser le réseau de la santé», dit-il.

On est confrontés à un gouvernement avec lequel on a de la difficulté à avancer. Je sens un gouvernement têtu qui nie des choses.

Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec

Sans la reconnaissance du racisme systémique par le gouvernement du Québec, les traitements discriminatoires dont sont victimes les Autochtones sont considérés comme la norme, ajoute Nakuset. «Tout le monde le fait, c’est bon! Tu n’es pas réprimandé, alors continue de le faire… C’est ce qui doit changer et on a besoin de leadership», indique la femme membre de la nation crie.

Viviane Michel se fait un devoir de rappeler l’importance du Principe de Joyce lorsqu’elle est interpellée par les différents gouvernements. «C’est un bon outil pour améliorer le système et éviter que ce genre de situation se reproduise», dit-elle. 

Une veillée à la mémoire de Joyce à Montréal

Pour souligner le premier anniversaire du tragique décès de Joyce Echaquan, plusieurs rassemblements sont organisés partout au Québec. 

À Montréal, une veillée en mémoire de la défunte se tiendra à la Place Emilie-Gamelin, à 19h. Le conjoint de la défunte, Carol Dubé, sera présent.

L’événement organisé par des travailleurs et travailleuses de la santé vise à dénoncer le colonialisme médical et à exiger l’adoption du principe de Joyce dans les systèmes de santé et d’éducation au Québec.

Dans la dernière année, des centaines de sages-femmes, médecins, acupunctrices, infirmières et psychologues ont soutenu l’appel à endosser le Principe de Joyce.

«La reconnaissance, le respect et l’estime favoriseront l’accès des peuples autochtones à un futur à la hauteur de leur passé d’hommes, de femmes fiers et autodéterminés», affirme la psychologue Atikamekw Nehirosiw, Sylvie Roy Nipincicak.

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