Si la criminalité a globalement chuté à Montréal l’année dernière, le nombre de crimes contre la personne commis en présence d’une arme à feu a augmenté de façon importante, selon le dernier rapport annuel du Service de police de la ville de Montréal.
Notamment en raison de la pandémie et des mesures de confinement qui ont marqué 2020, la tendance générale de la criminalité a connu une baisse de 11,2 % par rapport à 2019.
Les crimes contre la personne ont chuté de 3%, passant de 23 694 à 22 984. Les voies de fait (-2,3%), les agressions sexuelles (-8,2%) et les vols qualifiés (-16,9%) sont les types d’infraction dont la baisse est la plus marquée.
Le nombre d’homicides est toutefois demeurée stable (25). Les tentatives de meurtre ont quant à elles augmenté de 7,4%, passant de 121 à 132.
Les crimes contre la propriété (introductions par effraction, fraudes, méfaits, etc.) ont connu la même tendance baissière (-11%). Les vols de véhicules à moteur ont toutefois augmenté de plus de 10%.
Utilisation d’armes à feu en augmentation
Si le dernier bilan du SPVM confirme que la criminalité a régressé à Montréal, l’utilisation d’armes à feu est en augmentation, notamment en raison des fusillades qui ont secoué les quartiers du nord-est et le Vieux-Montréal.
Le nombre de crimes contre la personne lors desquels une arme à feu était présente, qu’elle fut utilisée ou non, a augmenté de l’ordre de 14% en 2020 par rapport à 2019.
Rien que dans les tentatives de meurtres, le SPVM révèle son usage à 57 reprises contre 33 en 2019 (+72,7 %). Des armes à étaient présentes lors de 194 voies de fait (+34,7%).
Un total de 744 armes a feu a été saisis l’année dernière, soit une hausse de 23,8 %. Pour Maria Mourani, présidente de la firme Mourani-Criminologie, cette tendance haussière s’explique notamment par l’accessibilité aux armes.
«L’accessibilité aux armes fait en sorte que des jeunes qui ne sont nullement liés aux gangs portent également des armes. Certains sont des dealers ou des proxénètes indépendants qui doivent naviguer dans des territoires de gangs. Aussi, la valorisation des armes et de la culture de la violence fait en sorte que certains jeunes s’arment pour se défendre ou avoir l’air cool. Or, on sait que lorsqu’on porte une arme, le risque d’être un agresseur ou une victime augmente», analyse la spécialiste.
Au sujet de l’augmentation des crimes à armes à feu dans l’est de Montréal (7 homicides et 43 tentatives de meurtres, selon le bilan du SPVM), Mme Mourani note que cela «semble essentiellement lié à des conflits inter-gangs chez les Bloods».
«Le risque qu’une simple bagarre dégénère augmente également. La facilité d’accès aux armes est un problème que ce soient les armes fantômes ou l’achat sur le web» déplore-t-elle.
Pour Caroline Bourgeois, responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal, «l’année 2020 a été éprouvante pour tous, notamment les policiers et policières qui ont dû composer avec un contexte particulier avec la pandémie mondiale». «Je tiens à souligner leur excellent travail dans ces circonstances difficiles. Je suis préoccupée par l’augmentation des certaines infractions criminelles, notamment les violences armées,» affirme-t-elle par courriel au journal Métro.
«Nous travaillons quotidiennement avec le SPVM à combattre les violences armées. Nous avons annoncé la création d’une équipe du SPVM entièrement dédiée à la lutte au trafic d’armes. Le rôle de l’ELTA (Équipe dédiée à la lutte au trafic d’armes à feu) est notamment d’identifier les têtes dirigeantes des réseaux existants et de s’attaquer directement au marché du trafic d’armes. Déjà, le travail de cette équipe porte fruit», explique-t-elle.
Ayant bénéficié d’un soutien financier de 5 M$ pour aider la métropole à lutter contre le trafic d’armes à feu, ELTA a procédé à 15 arrestations et à des saisies d’armes. «Et ça, c’est sans compter tout le travail qu’il mène avec les autres escouades, équipes et les policiers des PDQ qui travaillent au quotidien à assurer et maintenir la sécurité des Montréalais et Montréalaises» note-t-elle.
Pour le porte-parole de l’Opposition officielle en matière de Sécurité publique, Abdelhaq Sari, il s’agit «d’un bilan inquiétant en ce qui concerne les crimes commis par armes à feu tout comme dans le cas de l’augmentation des crimes haineux».
«On sait que dans le cas de la sécurité publique, il y a un manque flagrant de leadership de l’administration Plante, on ne peut pas insécuriser le SPVM en laissant planer un doute de désarmement ou de définancement de la police, ce n’est tout simplement pas responsable», estime M.Sari. Et d’ajouter « qu’Ensemble Montréal préconise plus d’investissements pour les équipes d’intervention mixtes (ESUP et EMRII pour des interventions psychosociales communautaires adaptées), des caméras portatives pour chaque patrouilleur.»
La haine anti-asiatique fait grimper les chiffres
Les crimes et incidents haineux ont aussi augmenté. Le bilan du Service de Police de la ville de Montréal indique que 115 incidents ont été enregistrés en 2020 contre 111 en 2019 (+3,6%). Les crimes haineux sont passés de 223 à 246 (+10,3 %). Ceux commis en raison de la race, l’origine nationale ou ethnique ou la couleur ont augmenté de 52,9%.
«Concernant les crimes haineux, l’augmentation est essentiellement liée à la pandémie et une haine anti-asiatique. On constate que les victimes sont majoritairement asiatiques,» fait remarquer Mme Mourani.
Dans son rapport le SPVM prévient que les statistiques «doivent être analysées avec précaution». En raison du confinement, «certains indicateurs de la criminalité ont subi d’importantes variations». Par exemple, le confinement a pu rendre difficile les dénonciations et les demandes d’aide venant de personnes victimes de violence conjugale, ce qui pourrait fausser les données.