REM de l’Est: quel sera le rôle du comité consultatif ?
Alors que l’acceptabilité sociale du tracé aérien du futur REM de l’Est est débattue sur toutes les tribunes, CDPQ Infra prévoit annoncer d’ici peu la formation du comité consultatif qui y travaillera. Interpellés sur la question, des experts se questionnent sur la pertinence de son mandat et sur l’étendue de ses pouvoirs.
Promis en décembre, le comité consultatif pluridisciplinaire sera bientôt mis sur pied en collaboration avec le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal, explique Virginie Cousineau, porte-parole du REM de l’Est. Ses membres auront le mandat de participer à l’élaboration des lignes directrices architecturales du projet en amont de l’appel d’offres.
Ce qu’ils ne pourront pas faire ? Remettre en question la portion aérienne du tracé reliant le centre-ville et Pointe-aux-Trembles. CDPQ Infra, filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) responsable du REM de l’Est, a déjà statué que l’option souterraine serait trop coûteuse et dangereuse. Pourtant, le tracé aérien est à ce point controversé qu’il a mené à la démission récente de deux firmes d’architectes impliquées dans le prolongement du REM.
«Le comité [que CDPQ-Infra] propose, c’est un comité pour déterminer la couleur des wagons, les éléments photographiques, artistiques et non pas les fondements du projet», déplore Florence Junca-Adenot, professeure du département d’études urbaines de l’UQAM.
L’intégration urbaine, les impacts sur les modes de transport, les modes de consultations citoyennes, des élus et des entreprises, le financement et la gouvernance sont tous des éléments sur lesquels devrait pouvoir se prononcer le comité, plaide celle qui a été présidente-directrice générale de la défunte Agence métropolitaine de transport (AMT).
Elle considère d’ailleurs qu’il n’est pas anodin que des firmes d’architectes renommées aient démissionné dans le cadre du projet qui menace de transformer Montréal «en une forêt de poteaux de béton».
Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec, ajoute qu’un comité consultatif ayant un mandat strictement architectural ne pourra mitiger plusieurs impacts d’un REM aérien tels la dévaluation foncière, le bruit, la poussière et les impacts visuels de l’imposante structure.
«On dit qu’un comité aviseur va aider les architectes à ce que ce soit beau. C’est sûr qu’on peut atténuer un problème majeur. Mais il y a des limites. Un métro aérien est problématique au niveau urbain».
Indépendance et autonomie
M. Corriveau et Mme Junca-Adenot soulèvent également la question de l’autonomie du comité consultatif.
«Notre inquiétude, c’est que la [CDPQ] est juge et partie dans la chose. Tous les ingénieurs qui ont fait les meilleures études du monde peuvent les avoir faites avec un biais subjectif, puisqu’ils sont embauchés par la Caisse qui veut un REM aérien», affirme M. Corriveau.
Le comité consultatif devrait selon lui avoir des expertises permettant de contrevérifier les études faites par CDPQ Infra.
À titre d’exemple, il croit que Montréal aurait l’expertise et l’infrastructure d’ingénierie nécessaire pour répondre aux risques identifiés par CDPQ. «Avant de dire que c’est impossible, c’est juste et équitable qu’on fasse une contrevérification. Si CDPQ est si sûre de ses choix, ça ne devrait pas être un problème».
Au-delà des couts directs encourus par CDPQ, il croit que les coûts réels du projet devraient aussi être contrevérifiés.
«Si ça coûte 1 milliard de plus pour faire une solution souterraine, peut-être que vous ne l’aimez pas. Mais peut-être que si vous refilez le milliard à tous les citoyens que la dévaluation foncière va toucher, à la Ville de Montréal qui va être obligée de mettre des mesures de mitigation, vous allez vous rendre compte que c’est probablement plus d’un milliard».
Faire les choses à l’envers?
Pour Catherine Morency, professeure du département des génies civil, géologique et des mines à l’École Polytechnique, il « est rare qu’on détermine le mode avant d’avoir fait l’analyse des besoins.»
Règle générale, la réalisation de projets d’envergure impose d’évaluer d’abord la demande et les besoins. Vient ensuite l’identification de la meilleure solution et du mode de transport approprié, explique-t-elle.
«Mais [dans le cas du REM] on a décidé de fonctionner autrement, si je comprends bien».
Dans le même ordre d’idées, Mme Junca-Adenot rappelle que l’Autorité régionale de transport métropolitaine (ARTM) a terminé sa consultation dans le cadre du Plan stratégique de développement du transport collectif. « La question de base sera de voir s’il y a complémentarité ou compétition [avec les autres modes de transport].»
Mmes Morency et Junca-Adenot croient qu’il serait judicieux d’attendre la mise en service de la première phase du REM et d’en tirer des conclusions avant de lancer la deuxième phase.
« On a une solution qui s’appelle le REM. Ça ne veut pas dire que c’est la meilleure solution partout. On ne l’a même pas encore mis à l’épreuve », conclut Mme Morency.