La mairesse de Montréal, Valérie Plante, demande qu’une enquête soit mise en place rapidement concernant le traitement qu’a subi Mamadi Camara, accusé à tort de tentative de meurtre d’un policier du SPVM. Le corps de police a indiqué quant à lui qu’il s’excuserait «au moment opportun».
Qualifiant la situation d’«inacceptable», Mme Plante a demandé une enquête «neutre», qui devra «se faire rapidement». «Quel sera le véhicule, ce sera à déterminer, mais ce qu’on souhaite, c’est que ce soit à l’extérieur du SPVM et du DPCP.»
Cet après-midi, le directeur du SPVM, Sylvain Caron, a affirmé que le corps de police était «ouvert et disponible à ce qu’une personne de l’externe vienne voir le travail qui a été effectué» par les enquêteurs.
En matinée, les trois partis d’opposition à Québec avaient eux aussi exigé le déclenchement d’une enquête indépendante.
«En respect pour le policier agressé, en respect pour M. Camara, qui a vu ses droits bafoués, pour assurer la confiance du public envers nos institutions, je pense qu’il est indispensable de déclencher une enquête publique du Bureau des enquêtes indépendantes [BEI]», a notamment martelé le député libéral de Vimont, Jean Rousselle.
La demande, partagée par les deux autres partis d’opposition, s’est rendue aux oreilles du ministre de la Justice. En direct du Salon bleu, Simon Jolie-Barrette a ouvert la porte à appeler le BEI. «C’est une avenue qui est explorée actuellement», a-t-il signifié.
La mairesse Plante a exprimé une préoccupation pour la réputation de M. Camara, un étudiant au doctorat qui enseigne à l’École Polytechnique. «Le message que je veux envoyer, c’est que cet homme est innocent et il faut le répéter haut et fort.»
Plante critique le SPVM
«Les policiers ont agi avec la rigueur, les faits et les témoignages qu’ils ont reçu avec la même rigueur que dans tous les dossiers sur lesquels ils travaillent, a assuré le directeur Sylvain Caron, dans un point de presse diffusé par plusieurs médias en fin d’après-midi. Le travail a été fait de façon exceptionnelle.»
«Malheureusement, c’est regrettable ce qui se passe actuellement et c’est hors de notre volonté, a ajouté M. Caron. Des faits nouveaux ont été portés à la connaissance de nos enquêteurs à la suite du travail continu de l’enquête.»
Ce martin, la mairesse Plante s’était montrée critique à l’endroit du chef de la police de Montréal, affirmant qu’elle aurait préféré que le directeur du SPVM, Sylvain Caron, soit «plus loquace». Celui n’avait alors réagi que dans un communiqué.
«De mon côté, j’ai décidé de ne pas attendre», a-t-elle souligné.
Affirmant dans ce communiqué qu’il s’agit d’un évènement d’une «complexité exceptionnelle», le corps de police affirmait avoir déployé «toutes les méthodes et stratégies d’enquêtes habituelles» dans cette affaire nébuleuse.
Selon le SPVM, les images vidéo qui ont contribué à faire libérer M. Camara, un chargé de laboratoire de 31 ans affilié à la Polytechnique Montréal, «ne sont pas à elles seules disculpatoires». C’est maintenant «une personne additionnelle» qui est recherchée dans le cadre de cette enquête.
«Je veux que les Montréalaises et les Montréalais sachent que l’événement survenu le 28 janvier dernier est d’une complexité exceptionnelle. Nos enquêteurs travaillent sans relâche depuis l’événement à élucider ce qui est arrivé», a affirmé le directeur du SPVM, M. Sylvain Caron.
Le 28 janvier dernier, sur le boulevard Crémazie dans le quartier Parc-Extension, un événement impliquant un policier a mené à l’arrestation de Mamadi Camara. Le policier aurait été désarmé et blessé.
Selon des informations préliminaires, les policiers ont initialement cru que Mamadi Camara, un homme sans antécédents judiciaires qui conduisait un Uber, essayait de se faire passer pour un témoin alors qu’il était le suspect dans cette affaire. De graves accusations criminelles s’étaient abattues sur lui.
C’est une nouvelle analyse des éléments de preuve qui a fait en sorte que le DPCP n’a pas été en mesure de maintenir les accusations. Hier, M. Camara a quitté le Palais de justice de Montréal en homme libre, soutenu par ses proches soulagés.
L’opposition exige des excuses à Mamadi Camara
Le chef de l’opposition officielle à l’Hôtel de Ville, Lionel Perez a exigé des excuses officielles du corps de police.
«C’est la chose humaine à faire. Je suis déçu que la mairesse n’ait pas invité M. Caron à s’excuser de façon formelle à M. Camara. Je vais demander à mon équipe de s’excuser auprès de lui si ce n’est pas fait par la Ville de Montréal et le SPVM.»
M. Perez s’est dit consterné devant les déclarations publiques du SPVM, qui sont pour lui empreintes d’un «manque de transparence absolu».
En point de presse cet après-midi, Sylvain Caron a indiqué que le SPVM s’excuserait «au moment opportun» à M. Camara, en soulignant que celui-ci était toujours considéré comme un témoin important de l’événement.
Un exemple de profilage racial?
Dans un communiqué paru ce matin, Le Centre de recherche-action sur les relations raciales a soutenu que l’affaire Camara «soulève des questions troublantes».
«Ce grave incident nous indique qu’en dépit de toutes les promesses et tous les engagements sans cesse répétés par l’administration de Montréal pour éliminer le profilage racial par le SPVM, nous en sommes encore et toujours au même point: être noir comporte un risque face aux policiers à Montréal», a déclaré son directeur général, Fo Niemi.
La mairesse de Montréal s’est montrée plus prudente avant de faire des liens avec le phénomène du profilage racial au SPVM.
«Il faut poser des questions et approfondir. Ça pourrait être le cas, mais je ne peux pas vous répondre aujourd’hui.»
Sylvain Caron balayé du revers de la main le rôle que la couleur de la peau de M. Camara aurait pu jouer dans son arrestation. «On est loin d’une situation de profilage racial. On est dans une situation d’enquête criminelle.»
Caméras corporelles
Ce matin, appelée à commenter le dossier de M. Camara sur les ondes du 98,5, la ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault a remis les caméras corporelles à l’ordre du jour et évoqué un nouveau projet-pilote ce printemps, pour les policiers de la Sûreté du Québec.
«On a levé la main en disant qu’on aimerait beaucoup que le SPVM soit partie prenante dès le début de l’installation des caméras portatives […]», a indiqué Mme Plante.
La mairesse a affirmé qu’une séquence filmée par une telle caméra aurait pu contribuer à l’enquête, mais avec des bémols.
«On sait que dans certains cas il peut y avoir des ratés, mais sur le fond oui ça aurait pu être une preuve supplémentaire à considérer lorsque l’arrestation a été faite.»
Après un premier projet-pilote, la Ville de Montréal avait tranché en 2019 qu’installer des caméras portatives aurait coûté trop cher pour trop peu de bénéfices. Depuis, l’opposition officielle a demandé à maintes reprises à l’administration Plante de changer d’avis pour en installer sur tous les policiers du SPVM.
Lionel Perez a souligné le «gros potentiel» de ces caméras dans les enquêtes en réitérant cette demande. «Le temps des projets pilotes est terminé. C’est le temps du déploiement. Si plein de villes peuvent le faire, il n’y a pas de raison que Montréal ne puisse pas le faire.»