Itinérance: La Porte ouverte rouvre ses portes la nuit
Une semaine après le décès de l’itinérant Raphael André, le refuge La Porte ouverte a de nouveau commencé à opérer jour et nuit, après avoir dû limiter ses heures d’ouverture pendant plusieurs semaines en raison de la pandémie.
M. André a été retrouvé sans vie le matin du 17 janvier dans une toilette chimique située à l’angle de la rue Milton et de l’avenue du Parc, à quelques pas du refuge La Porte ouverte, que l’Innu de 51 ans avait l’habitude de fréquenter. L’organisme, qui opère au centre-ville, avait l’habitude d’ouvrir ses portes en tout temps. À la suite d’une éclosion de COVID-19 survenue pendant le temps des Fêtes, l’organisme a toutefois dû fermer ses portes à 21h30 chaque soir afin de se conformer à une directive de la Santé publique de Montréal.
Le refuge a toutefois recommencé à ouvrir ses portes 24 heures sur 24, dimanche, a confirmé lundi après-midi la responsable de l’itinérance au comité exécutif, Nathalie Goulet, en séance du conseil municipal. L’organisme en avait d’ailleurs fait l’annonce cette fin de semaine sur les réseaux sociaux.
«La halte-chaleur du refuge [La Porte ouverte] a finalement été rouverte hier. Et l’équipe était extrêmement satisfaite de la collaboration que la Ville a pu donner pour arriver à des résultats aussi rapidement. On en est très fiers», a déclaré Mme Goulet.
La nuit dernière, le refuge a d’ailleurs fait face à une forte demande.
«On était pleins […] Il y a encore besoin d’avoir plus de places ouvertes dans la métropole», constate le coordonateur du centre La Porte ouverte, John Tessier.
L’opposition réclame plus de «tolérance» des policiers
La séance du conseil municipal s’est d’ailleurs ouverte lundi, à 13h, avec une minute de silence en hommage à M. André et à ses proches endeuillés.
«Donc, nous offrons nos condoléances à ses proches et aux équipes dévouées sur le terrain qui offrent des services aux personnes en situation d’itinérance. J’en profite aussi pour saluer le travail des intervenants et intervenantes sociaux, qui travaillent fort depuis le début de la pandémie», a déclaré la présidente du conseil municipal, Suzie Miron.
L’opposition officielle a toutefois lancé une flèche à l’administration de Valérie Plante sur sa gestion de l’itinérance dans la métropole.
«Il a fallu malheureusement une tragédie pour que l’administration demande une exemption du couvre-feu pour les personnes en situation d’itinérance», a déploré le conseiller d’Ensemble Montréal dans Montréal-Nord, Abdelhaq Sari.
La semaine dernière, quelques jours après la mort de M. André, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a emboité le pas aux partis d’opposition à l’Assemblée nationale et à divers organismes qui avaient réclamé précédemment une telle exemption pour les sans-abri. Le gouvernement Legault écarte toutefois cette possibilité pour l’instant.
Dans ce contexte, M. Sari, qui est également vice-président de la Commission de la sécurité publique de la Ville, estime que l’administration municipale doit réclamer une «tolérance réelle et absolue» des policiers montréalais à l’égard des sans-abri. Certains d’entre eux ont reçu des contraventions au cours des deux dernières semaines pour avoir contrevenu au couvre-feu, qui s’applique de 20h à 5h.
«La mairesse aura beau dire que l’itinérance est une responsabilité de Québec, elle est garante de la sécurité des Montréalais et Montréalaises qui vivent sur son territoire.» -Abdelhaq Sari, conseiller d’Ensemble Montréal
S’attaquer au profilage social
L’administration au pouvoir réplique toutefois que le Service de police de la Ville de Montréal fait déjà preuve de tolérance à l’égard des personnes en situation d’itinérance. Mme Goulet a notamment rappelé que les policiers ont effectué plus de 400 interventions auprès d’itinérants depuis le début du couvre-feu, surtout afin d’accompagner ceux-ci vers des refuges de la métropole, tandis que «peu de contraventions» ont été émises.
«Le travail que fait le SPVM sur le terrain est un bon travail, mais nous savons qu’il y a ce problème d’interventions abusives. Nous allons y travailler», a toutefois ajouté Mme Goulet.
L’élue de Projet Montréal s’est d’ailleurs dite «extrêmement préoccupée» par un rapport, publié la semaine dernière, qui fait état d’une hausse importante du nombre de constats d’infraction remis à des sans-abri à Montréal au cours des dernières années. Les cinq expertes universitaires à l’origine de ce document font ainsi état d’un enjeu de profilage social de la part du SPVM.
«Je le dis clairement: le profilage racial et le profilage social sont inacceptables dans notre société», a tranché Mme Goulet.
Depuis deux ans, un processus est en cours à la Ville dans le but de réviser plusieurs règlements municipaux qui pourraient contribuer au profilage, a indiqué la conseillère.
«On le sait, il faut changer l’approche des policiers envers des itinérants au Québec. On ne gagne rien à judiciariser ces personnes-là. C’est pour ça qu’on est en train de réviser les règlements municipaux, mais également de travailler à un nouveau modèle d’équipe municipale et policière [pour intervenir] envers les personnes e situation d’itinérance», a ajouté Mme Goulet.