Le premier «wet shelter» de Montréal reporté en raison de la pandémie
La mise sur pied du premier «wet shelter» de Montréal est reportée à une date ultérieure alors que la hausse de la pandémie frappe durement les itinérants de Montréal.
Le milieu communautaire et la Santé publique comptaient lancer le 1er janvier 2021 un nouveau programme de gestion de la consommation d’alcool pour les personnes en situation d’itinérance, communément appelé «wet shelter». Annoncé en novembre, celui-ci devait pouvoir desservir en tout temps 13 personnes en leur offrant chacune une chambre individuelle dans une aile du pavillon Ross de l’ancien hôpital Royal Victoria.
Le programme permettra aux itinérants qui y prennent part de recevoir des doses contrôlées d’alcool, qui diminuent progressivement, en plus de bénéficier de soutien psychosocial de la part d’intervenants communautaires. Ce programme s’adressera à des sans-abri «en zone verte», donc qui n’ont pas de symptômes de la COVID-19.
Nombreuses éclosions
Or, dans les dernières semaines, le nombre de cas positifs au coronavirus a grimpé de façon importante dans la communauté itinérante. En fait, depuis le début du mois de décembre, la Santé publique a recensé 150 cas positifs dans les différents centres de jour et refuges qui desservent la communauté itinérante de Montréal. Le tiers sont des employés de ces organismes.
«Cette transmission s’est faite de façon rapide et inquiétante», confie à Métro la Dre Carole Morissette, qui est chef médicale à la Direction régionale de santé publique de Montréal. Cette situation contraste avec la première vague, pendant laquelle «très peu de cas» de contamination avaient été rapportés parmi les itinérants de Montréal.
La Santé publique a ainsi décidé de convertir une bonne partie des étages de l’ancien hôpital en une «zone rouge», dédiée aux sans-abri qui doivent s’isoler parce qu’ils ont contracté la COVID-19 ou parce qu’ils attendent le résultat de leur test de dépistage. Ce sont ainsi 50 chambres individuelles qui sont maintenant réservées uniquement aux personnes ayant contracté la COVID-19. Un nombre qui pourrait augmenter, selon les besoins.
«Nous nous attendons de devoir utiliser l’ensemble de l’établissement pour la clientèle d’ici une semaine, plus ou moins», indique à Métro le président de la Mission Old Brewery, James Hughes.
Cette situation a ainsi forcé le report de la mise en place du «wet shelter». La Santé publique n’a pas encore déterminé une date à cet égard.
«On reporte de quelques mois la mise en place d’un wet shelter», confirme à Métro le directeur des programmes en santé mentale et en dépendance au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, Jason Champagne.
Consommation d’alcool
Or, de nombreuses personnes en situation d’itinérance souffrent de problèmes chroniques de consommation d’alcool. La Mission Old Brewery a donc annoncé jeudi que des personnes qui ont des problèmes de dépendance pourront obtenir des doses contrôlées d’alcool pendant la durée de leur isolement.
«Pour ce faire, différents services cliniques seront offerts aux personnes, selon leurs besoins. Certaines d’entre elles pourraient bénéficier d’une modalité de consommation d’alcool supervisée pendant leur séjour», explique à Métro la Mission Old Brewery, dans un courriel envoyé en soirée, jeudi.
La période d’isolement des personnes atteintes de la COVID-19 à l’hôpital Royal Victoria est d’environ 10 jours.
«On s’assure d’avoir un milieu accueillant, chaleureux, pour que les personnes qui veulent consommer de l’alcool puissent le faire pendant leur isolement.» -Jason Champagne, directeur des programmes en santé mentale et en dépendance au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal
Le couvre-feu inquiète
Dans les dernières semaines, plusieurs haltes-chaleur ont fermé leurs portes à la suite d’éclosions de coronavirus entre leurs murs, ont confirmé à Métro divers organismes.
Pour compenser cette situation, l’Hôtel Universel, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, a récemment ouvert ses portes aux itinérants de Montréal qui ne sont pas atteints de la COVID-19, en complément au refuge temporaire déjà en place dans l’Hôtel Place Dupuis, au centre-ville.
Plusieurs organismes redoutent toutefois le couvre-feu à venir. À partir de samedi, les Québécois ne pourront plus circuler dans la rue entre 20h et 5h, sauf exceptions.
«Ce qui m’inquiète avec le couvre-feu, c’est que dans la communauté autochtone, il y a une certaine partie de la population qui ne vient pas dans les refuges. Ils dorment dans des tentes, chez des amis ou un peu partout. Mais maintenant, je ne sais pas si avec le couvre-feu, on va voir une augmentation dans la demande des lits pour les personnes autochtones la nuit […] On est déjà presque à pleine capacité la nuit», s’inquiète la directrice générale de Projets Autochtones du Québec (PAQ), Heather Johnston, qui demande à la Ville d’ouvrir d’autres refuges temporaires pour les sans-abri.
Contacté par Métro, le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a assuré que que la Ville déploiera «tous les moyens nécessaires» afin de s’assurer que tous les itinérants «puissent dormir au chaud et en sécurité». Il rappelle que des centaines de places supplémentaires ont été débloquées en vue de l’hiver.
Amendes salées
James Hughes s’inquiète pour sa part de la possibilité que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) remette des amendes de 1000 à 6000$ à des itinérants si ceux-ci ne respectent pas le couvre-feu.
«C’est certain que ce n’est pas quelque chose qui va être aidant si le SPVM décide de donner des amendes à des personnes qui n’ont pas de logement», laisse tomber M. Watts.
La ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a toutefois assuré jeudi que les policiers ne donneront pas d’amendes aux itinérants. Ils les dirigeront plutôt vers des refuges.
Au moment d’écrire ces lignes, le SPVM n’avait pas commenté.
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Note: une version précédente de cet article indiquait que le «wet shelter» ouvrirait vendredi. Le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal nous a plutôt confirmé en soirée que son ouverture aura lieu à une date ultérieure, la situation évoluant rapidement en raison de la pandémie.