Recours massif aux heures supplémentaires, une dette qui se creuse, des employés hautement rémunérés et une nouvelle augmentation de salaire pour le directeur général: la Société de transport de Montréal (STM) gère-t-elle bien ses finances en temps de pandémie?
La STM compte actuellement environ 1020 employés dont l’échelle salariale dépasse 100 000$, selon une compilation obtenue par Métro. De ce nombre, quelque 390 sont des gestionnaires dont le salaire varie de 101 000$ à plus de 260 800$. Les quelque 630 restants sont des employés dans divers domaines. Il s’agit notamment d’avocats, d’ingénieurs et de conseillers corporatifs.
Cette liste ne tient toutefois pas compte des heures supplémentaires, que la STM paie à 150% du salaire de ses employés. Or, celles-ci permettront encore cette année à des centaines de chauffeurs d’autobus, d’opérateurs de métro et d’employés d’entretien d’empocher au final plus de 100 000$.
Selon une prévision inscrite dans son dernier budget, la STM devrait dépenser 46,287 M$, d’ici la fin de l’année, en heures supplémentaires. C’est près de 3 M$ de plus que ce qu’elle avait prévu au départ pour 2020, a constaté Métro.
«Le taux d’absentéisme a été plus élevé en 2020 en raison des effets de la pandémie. Pour assurer la continuité des opérations et la qualité du service aux clients, nous avons donc eu recours aux heures supplémentaires pour les employés volontaires afin de combler pour les absences», justifie à Métro une porte-parole de la STM, Amélie Régis.
Cette dernière explique qu’à un certain moment, cette année, la STM a dû assurer un service presque équivalent à ce qu’il était avant la pandémie, mais avec seulement 75% de ses effectifs. L’augmentation de la fréquence de nettoyage des bus et du réseau du métro a aussi entraîné une hausse de 24% du recours aux heures supplémentaires pour les employés d’entretien, cette année, par rapport aux prévisions initiales.
La STM entrevoit toutefois une baisse du recours à cette pratique l’an prochain, bien que le niveau de service restera le même. «Il peut toujours y avoir des événements hors de notre contrôle, comme on l’a vécu en 2020», nuance toutefois Mme Régis, qui rappelle que l’organisme a aussi fait face cette année à une attaque informatique majeure.
Le conseiller indépendant de Snowdon, Marvin Rotrand, estime quant à lui que la STM aurait pu facilement réduire son recours aux heures supplémentaires en diminuant davantage son offre de service dans le contexte de la pandémie, comme l’ont fait d’autres villes canadiennes. Depuis le mois de mars, la crise sanitaire a fait chuter l’achalandage des sociétés de transport, dans la région métropolitaine comme ailleurs au pays.
Une dette qui se creuse
Pendant ce temps, la dette de la STM continue de grimper. Sa dette nette devrait en fait passer de 1,2 à plus de 3 G$ d’ici 2030, indique un récent rapport la Commission sur les finances de la Ville. Cette dernière a ainsi recommandé de trouver de nouvelles sources de revenus pour la STM afin que celle-ci puisse s’attaquer au fardeau de sa dette.
«La dette de la STM met la cote de crédit de la Ville en danger, prévient M. Rotrand. L’ancien vice-président du conseil d’administration de la STM presse ainsi l’organisme de se «serrer la ceinture».
Le chargé de cours en planification des transports à l’UQAM, Pierre Barrieau, propose pour sa part que la STM rentabilise les droits aériens qu’elle détient sur plusieurs de ses édicules de métro en permettant à des promoteurs d’y réaliser des projets immobiliers. Elle pourrait ainsi empocher des sommes intéressantes, estime l’expert.
Le gouvernement du Québec devrait quant à lui envisager sérieusement de mettre en place des systèmes de tarification routière à Montréal afin d’augmenter la contribution des automobilistes au financement du transport en commun, estime le président de Trajectoire Québec, François Pepin.
«Un jour, la STM va atteindre la limite de ce qu’elle peut se permettre de payer.» -Marvin Rotrand, conseiller indépendant de Snowdon
Une augmentation de salaire pour Luc Tremblay
La STM a par ailleurs confirmé à Métro que son directeur général, Luc Tremblay, a obtenu cette année une augmentation de salaire de 2%. Cette hausse, d’environ 9000$, vient porter son salaire à plus de 461 000$.
«C’est assez surprenant qu’alors que la STM a vu son achalandage chuter drastiquement et que sa dette grimpe en flèche, elle a quand même décidé d’accorder une hausse de salaire à son directeur général», déplore Marvin Rotrand.
Lundi, les élus du conseil municipal ont d’ailleurs approuvé un gel de la hausse salariale qu’ils devaient recevoir en 2020, en raison des impacts de la pandémie sur les finances de la Ville.
Départs à la retraite
La STM assure par ailleurs qu’elle exclut de réduire sa masse salariale pour faire face à ses défis financiers. Une telle action serait contre-productive et impliquerait de briser des conventions collectives, affirme-t-elle.
«Comme la situation actuelle est temporaire, il coûterait beaucoup plus cher à la STM de mettre à pied le personnel pour en embaucher du nouveau à former dans moins d’un an et demi. De plus, il est important dans les conditions actuelles de maintenir le niveau de service pour offrir le plus possible de distanciation à nos clients», indique Mme Régis.
Elle précise toutefois que plus de 200 postes devraient se libérer l’an prochain, à la suite de départs à la retraite. Ces employés ne seront pas remplacés, du moins à court terme.