Un déclin prolongé de la vitalité commerciale du centre-ville de Montréal aurait des répercussions importantes sur les revenus de la Ville, ce qui pourrait l’amener à hausser les taxes des citoyens, prévient le milieu des affaires.
Alors que l’économie du Grand Montréal a rebondi dans les derniers mois, celle du centre-ville a stagné dans le contexte de la pandémie. Un rapport publié mercredi par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) fait état d’un taux d’occupation des tours à bureaux qui oscille toujours autour de 5 à 10% au coeur de la métropole. L’occupation moyen des hôtels n’a par ailleurs atteint que 7% en octobre dans ce secteur, tandis que l’achalandage de la rue Sainte-Catherine a chuté de 76% pendant les mois de mai à août, par rapport à l’an dernier.
«Ça a amené un taux d’inoccupation qui est en croissance au centre-ville. Les sous-locations ont augmenté de 150% par rapport à 2019 [dans les tours à bureaux] et on pense que ce n’est que le début. On s’attend à ce qu’il y en ait davantage», a évoqué mercredi le président et chef de la direction de la CCMM, Michel Leblanc. Il prenait alors part à un forum virtuel sur le centre-ville qui a eu lieu cet avant-midi en présence notamment de la mairesse de Montréal, Valérie Plante.
«Il y a urgence d’intervenir»
À la fin du mois d’octobre, le taux de locaux vacants et de fermetures temporaires s’élevait à 24% pour les restaurants avec service et à 16% pour les boutiques de biens et de mode.
«Il y a une urgence d’intervenir», a lancé à Métro mercredi le directeur général de la société de développement commercial Montréal centre-ville, Émile Roux. Ce dernier presse notamment l’arrondissement de Ville-Marie de se doter de plus de ressources humaines pour accompagner les commerçants qui écopent de la pandémie.
Des impacts sur les finances de la Ville
Ce qu’appréhende la CCMM, c’est que ces fermetures se poursuivent dans les prochains mois en raison notamment du télétravail et de l’absence de touristes étrangers. On pourrait alors connaître une «dévitalisation» du centre-ville au profit de secteurs en périphérie, prévient le rapport.
«Ça veut dire moins de commerces, moins de restaurants, moins de bars et moins de gens qui viennent soutenir quotidiennement l’activité économique […] Ça finit par affaiblir l’attractivité [du centre-ville]», a illustré M. Leblanc. On pourrait alors constater une baisse de la valeur des immeubles commerciaux au coeur de la métropole.
Or, les commerces du centre-ville fournissent 35% des revenus que la Ville tire des taxes foncières non résidentielles. Par conséquent, une baisse hypothétique de 30% de la valeur des immeubles commerciaux du coeur de Montréal pourrait faire perdre de revenus annuels de plus de 130 M$ à la Ville. Des pertes dont les Montréalais pourraient payer les frais.
«Si cette perte n’est ni compensée par l’augmentation des services tarifés ni par d’autres sources de revenus, elle obligerait la Ville de Montréal à augmenter les taxes foncières résidentielles de 4,7% sur tout son territoire», indique le rapport.
Sauver le centre-ville
Pour éviter une telle pente descendante, le rapport recommande notamment la tenue d’une campagne faisant la promotion d’un retour des travailleurs au centre-ville, dans le respect des règles sanitaires.
«Je pense que ce sera important que le gouvernement lance le message aux employés que c’est sécuritaire de retourner travailler dans plusieurs milieux», estime d’ailleurs M. Roux, à l’approche du début de la campagne de vaccination contre la COVID-19 au pays.
Le centre-ville pourrait aussi devenir plus attrayant, par exemple en misant sur la création de nouvelles places publiques et en optimisant la propreté des lieux. La Ville doit aussi faciliter l’accès au centre-ville par les différents modes de transport, incluant la voiture, estime la CCMM, qui recommande un accès facilité aux stationnements de la métropole.
«On suit la mouvance. Il faut améliorer l’expérience des clients et clientes. Ça passe par un meilleur accès en voiture, par un meilleur accès en transport collectif. Et ça passe aussi par une expérience quand on déambule à pied», a pour sa part évoqué Mme Plante. La semaine dernière, la Ville a d’ailleurs présenté un nouveau plan de relance économique qui prévoit une somme de 10 M$ pour le centre-ville.
Miser sur le transport en commun
Alors que la pandémie a entraîné une chute de l’usage du transport en commun à Montréal, le rapport recommande en outre la tenue d’une campagne d’information pour inciter la population à opter de nouveau pour le métro et les bus pour se déplacer.
«Ça n’a pas de bon sens que dans les prochains mois, on reste dans la crainte de prendre le transport en commun. Ça créerait une pression additionnelle sur les routes», a évoqué M. Leblanc. L’accès au centre-ville deviendrait alors plus complexe, ce qui pourrait nuire à sa relance, estime-t-il.
«Il faut un environnement qui soit stimulant, agréable. Il faut avoir une plus-value pour attirer les gens au centre-ville.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Attirer 20 000 résidents au centre-ville
La CCMM estime par ailleurs que la relance du centre-ville à plus long terme passe par l’arrivée de 20 000 nouveaux résidents dans ce secteur d’ici 2025. Pour ce faire, le rapport propose «l’élimination des obstacles à la conversion et à la construction d’immeubles résidentiels».
«Il faut encourager le développement de projets [au centre-ville]», a fait valoir la coprésidente de Prével, Laurence Vincent. Pour ce faire, une discussion «plus constante» avec la Ville est nécessaire, selon elle, afin de permettre au développement immobilier de prendre de la rigueur dans les prochaines années.
«Pour assurer une relance économique, permettez au privé de mettre l’épaule à la roue et de développer des milieux de vie qui répondent aux besoins de la communauté», a aussi affirmé le président de Devimco, Serge Goulet. Ce dernier fait partie des promoteurs qui militent pour que la Ville soit plus permissive à l’égard des projets immobiliers.
«On doit trouver de meilleurs moyens pour jaser, s’arrimer, et voir comment on peut avoir les meilleurs projets pour notre ville», estime pour sa part Valérie Plante.