Les itinérants alcooliques de Montréal disposeront d’un endroit où se réfugier et combattre leur dépendance cet hiver alors que le premier «wet shelter» de la métropole ouvrira ses portes en janvier, avec plusieurs mois de retard.
La Ville de Montréal et la Santé publique lanceront prochainement un nouveau programme de gestion de la consommation d’alcool pour les personnes en situation d’itinérance, communément appelé «wet shelter».
«C’est vraiment un beau projet, un pas qu’on attendait depuis longtemps», se réjouit la directrice des services à la Mission Old Brewery, Émilie Fortier, en entrevue à Métro mercredi.
Ainsi, dès le 1er janvier 2021, les sans-abri alcooliques auront accès à un lieu d’hébergement aménagé dans une aile du pavillon Ross de l’ancien hôpital Royal-Victoria. Celui-ci pourra accueillir en tout temps 13 personnes, soit 10 hommes et 3 femmes, qui disposeront chacune d’une chambre individuelle.
Combattre la dépendance
Sur place, des doses d’alcool contrôlées leur seront offertes de jour comme de soir, tout comme du soutien psychosocial de la part d’intervenants de la Mission Old Brewery. Une infirmière fournira pour sa part des soins médicaux aux sans-abri. C’est d’ailleurs elle qui déterminera la quantité d’alcool que pourront recevoir les différents participants au programme. Les doses attribuées diminueront progressivement pour aider les itinérants à combattre leur dépendance, une étape à la fois.
«C’est quand même un gros pas de faire confiance à des intervenants communautaires pour réduire ta consommation d’alcool alors que tu souffres d’une dépendance depuis plusieurs années», souligne Mme Fortier.
Les itinérants qui se rendront sur place pourront d’ailleurs rester dans ce centre «tant et aussi longtemps qu’ils le souhaitent, indique Mme Fortier. Il conservera d’ailleurs ses portes ouvertes 24 heures sur 24.
«On souhaite que chaque personne se stabilise dans sa consommation et puisse éventuellement faire se réinsertion dans un logement de façon permanente», ajoute Mme Fortier.
Première étape
La première phase de ce projet pilote prendra fin le 31 mars 2021. Émilie Fortier se montre toutefois confiante que le gouvernement du Québec acceptera de prolonger celui-ci par la suite, voire de le bonifier.
«Il y a certainement un besoin pour plus de services en alcoolisme en itinérance», souligne-t-elle. Ce refuge pourrait d’ailleurs augmenter sa capacité à 20 personnes, si nécessaire, ajoute-t-elle.
«On commence plus petit pour pouvoir voir plus grand.» -Émilie Fortier, directrice des services à la Mission Old Brewery
Jointe par Métro, l’organisatrice communautaire au Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, Mariana Racine Méndez, a elle aussi salué cette annonce «très attendue». À l’instar de Mme Fortier, elle dit souhaiter que d’autres ressources dédiées aux sans-abri alcooliques viennent compléter cette offre dans les prochains mois.
«On espère voir des réponses se développer en fonction des besoins du milieu communautaire», souligne-t-elle.
Ce projet-pilote s’inscrit d’ailleurs dans une série de projets en itinérance qui ont reçu un financement total d’environ 5,5 M$ annoncé l’an dernier par Québec et la Ville.
Retardé par la pandémie
La Santé publique avait d’abord prévu tenir ce projet pilote au printemps dernier. La pandémie a toutefois eu pour effet de retarder celui-ci de plusieurs mois.
«C’est un peu compréhensif. Ça aurait été un peu compliqué de développer ce projet-là dans les derniers mois [en raison de la pandémie]», estime Mme Fortier.
Avec ce premier «wet shelter», Montréal emboîtera ainsi le pas à plusieurs autres villes canadiennes, dont Toronto, Ottawa et Vancouver. Dans les dernières années, des études ont démontré que les centres de consommation contrôlée d’alcool contribuent notamment à diminuer les hospitalisations et les recours aux urgences, tout comme le nombre d’interventions policières menant à des arrestations, selon un rapport du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île de Montréal publié en 2018.
De telles ressources contribuent aussi à éviter aux itinérants alcooliques de se retrouver en situation de vulnérabilité, ne pouvant se rendre dans les refuges traditionnels en raison de leurs problèmes de consommation. À l’approche de l’hiver, ce nouveau centre au coeur de Montréal vient donc répondre à un «enjeu de sécurité», note Mme Fortier.
«Ce qu’on veut, c’est de créer des liens [avec les itinérants] et de leur offrir des lieux beaucoup plus dignes qu’un banc de parc», conclut-elle.