La Ville signe une entente de 1,5 M$ avec un proche d’Accurso

Un entrepreneur donnera une somme de 1,5 M$ à la Ville de Montréal en échange de son retrait d’une poursuite entamée par celle-ci l’an dernier contre Tony Accurso et ses complices, a appris Métro.
En septembre 2019, la Ville de Montréal a amorcé une poursuite de près de 25,7 M$ contre Tony Accurso et ses complices. L’administration municipale accuse ceux-ci d’avoir «participé à des stratagèmes frauduleux pour se partager le marché des contrats publics de la Ville de Montréal» au début des années 2000.
Ces pratiques «dolosives» ont fait gonfler d’environ 20% le coût de nombreux travaux, notamment pour la construction de trottoirs et la réfection du réseau d’aqueduc et d’égouts de la métropole, indiquent des documents décisionnels de la Ville.
Un proche d’Accurso retiré de la poursuite
L’ancien bras droit d’Accurso, Frank Minicucci fait partie des individus poursuivis «personnellement» par la Ville, en plus de «ses sociétés de gestion». Ce ne sera toutefois bientôt plus le cas. Les élus du comité exécutif ont adopté à huis clos, mercredi dernier, une proposition de règlement hors cour avec l’entrepreneur, a appris Métro.
La Ville affirme avoir pris cette décision après avoir discuté avec l’entrepreneur, qui continue d’ailleurs de nier «toute forme de responsabilité» dans ces manoeuvres frauduleuses.
«Le Groupe Minicucci s’est montré disposé à verser à la Ville de Montréal un montant de 1,5 M$, en retour d’une quittance complète et finale de toutes les allégations découlant de la réclamation de la Ville», indique la proposition d’entente, qui a reçu un appui unanime des élus du comité exécutif.
De cette somme, la Ville recevra 1 M$ «sur signature de l’entente». L’entrepreneur aura ensuite un an pour débourser les 500 000$ restants.
«La conclusion de ce règlement évitera les dépenses en frais de procès, d’expertises et d’honoraires d’une poursuite contre Groupe Minicucci qui s’annonçait longue et coûteuse», peut-on lire.
En 2018, la Ville avait aussi nommé Frank Minicucci dans une poursuite de 14 M$ contre plusieurs entreprises qu’elle tient responsables pour la fraude qu’elle aurait subie en lien avec un important contrat de compteurs d’eau qu’elle a résilié en 2009.
«Le temps joue contre nous»
Selon la professeure de l’Université du Québec à Montréal et spécialiste des affaires municipales, Danielle Pilette, la décision de la Ville de régler la poursuite contre Accurso «à la pièce» se veut prudente. Elle souligne à cet égard que plusieurs entrepreneurs visés par celle-ci sont vieillissants et n’ont plus la situation financière qu’ils avaient à l’époque des crimes que la Ville leur reproche.
«Le temps joue contre nous», résume l’experte. Cette entente hors cour permet ainsi à la Ville d’avoir la garantie d’obtenir une compensation financière de la part de Frank Minicucci, bien que potentiellement moindre que celle espérée au départ.
Mme Pilette évoque par ailleurs l’importance stratégique pour la Ville d’en finir avec cette poursuite judiciaire le plus rapidement possible.
«Il vaut mieux régler ça avant les prochaines élections [municipales]», croit-elle.
«Je pense que les recours sont là, non seulement pour récupérer ce qui peut l’être, mais aussi pour apaiser les citoyens inquiets ou révoltés [par ces scandales].» -Danielle Pilette, spécialiste des affaires municipales
Le 19 octobre, Métro révélait par ailleurs que la Ville a signé une entente hors cour avec Pierre-André Matton, de l’entreprise de construction Simard-Beaudry, qui faisait aussi partie de cette poursuite. En échange de cette entente, l’entrepreneur s’engage à aider la Ville à peaufiner «sa preuve» contre Tony Accurso et ses complices et à témoigner, éventuellement, dans le cadre du procès à venir sur ce dossier.