Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a présenté ses propositions pour une «amélioration» de la Loi sur la police dont une fusion des administrations de la police de Montréal, de Longueuil et de Laval. Le SPVM demande aussi que la définition d’une «intervention policière» soit inscrite dans la loi.
Dans son mémoire intitulé Réflexions du SPVM sur la réalité policière au Québec présenté dans le cadre de la réflexion sur la réalité policière commandée par la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, le corps policier propose de créer des équipes mixtes nationales pour mener divers types d’enquêtes spécialisées.
«Des ententes de partage des tâches entre les organisations et d’éventuelles fusions de territoires favoriseraient une meilleure coordination. Cela permettrait de mieux planifier les activités d’intervention tactique, de surveillance, de filature, d’écoute et d’infiltration et d’enquêtes spécialisées», lit-on dans le mémoire.
Le SPVM propose donc de mener une étude de faisabilité pour l’intégration administrative des corps de police des trois villes de la grande région montréalaise.
«Nous croyons à l’effet bénéfique de corps de police regroupés qui centralisent les ressources administratives et les enquêtes spécialisées et qui partagent une même vision d’une desserte décentralisée de patrouille plus près du citoyen.»
La gouvernance des services policiers offerts aux citoyens par ce regroupement serait assurée par une commission des services policiers «comme cela existe à Ottawa».
BEI
«Présence policière» et «intervention policière» ne sont pas la même notion, selon le SPVM, qui demande que la distinction entre les deux soit inscrite dans la loi.
Cette distinction ferait en sorte, par exemple, qu’un policier présent lorsqu’une personne décède ou est gravement blessée ne ferait pas systématiquement l’objet d’une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI).
«Parfois, la seule présence physique du policier sur les lieux d’un suicide ou d’un accident suffit à déclencher une enquête [du BEI], alors qu’il n’y a pas eu d’échange entre la victime et le policier.» Ces enquêtes constituent un stress important pour les policiers, souligne le document.
Le SPVM rappelle que les policiers agissent régulièrement à titre de premiers répondants, comme les pompiers et les ambulanciers et que ces derniers ne font pas systématiquement l’objet d’enquête en cas de décès.
«Il devrait en être de même lorsque les premiers répondants sont policiers.»
Le SPVM suggère que les organisations policières enquêtant sur des allégations criminelles envers un policier respectent un délai raisonnable de trois mois et que le DPCP respecte également un délai de prescription de trois mois.
Lors d’enquêtes indépendantes, les policiers impliqués dans l’événement doivent être rencontrés par les enquêteurs du BEI dans les 48h suivant l’arrivée de ces derniers sur les lieux, à moins que le directeur du BEI n’accorde un délai supplémentaire. Les policiers témoins et impliqués doivent également rédiger un compte-rendu détaillé de leur intervention dans les 24h suivant l’événement.
«Quand un policier utilise son arme à feu ou assiste au décès d’une personne, sa santé psychologique peut être fragilisée. Lorsqu’il s’agit d’un événement avec un potentiel traumatique pour le policier, il serait souhaitable que les enquêteurs du BEI s’assurent que le policier soit dans un état psychologique lui permettant de fournir un témoignage valide et autorisent le cas échéant, le délai nécessaire à la récupération.»
«Par ailleurs, comme pour le directeur du BEI qui a le pouvoir de déjudiciariser certaines plaintes, il faudrait étudier la possibilité d’accorder un pouvoir similaire à la direction des services de police. Pour des situations qui ne nécessitent pas d’enquête ou pour les plaintes relatives à des crimes mineurs anciens, cette prérogative bien encadrée pourrait grandement alléger le système et préserver la santé des policiers visés.»
Caméras portatives
Le SPVM souhaite être considéré prioritairement dans le déploiement des caméras portatives pour les policiers en prévoyant un soutien financier du gouvernement, une mesure qui favorise la «transparence des interventions policières» et qui «consolide» le lien de confiance entre policiers et citoyens.
Un projet pilote a été mis en place par le SPVM dans le but d’évaluer la faisabilité opérationnelle et technique de munir ses patrouilleurs de caméras portatives; 78 patrouilleurs ont porté une caméra durant près d’une année en contexte réel de travail, soit de mai 2016 à avril 2017.
Légitimité
Bien conscient des appels croissants au définancement de la police, le SPVM propose de revoir les indicateurs de performance policière afin «d’exposer autrement» la «légitimité de la police».
«La mesure de performance des organisations policières devrait dépasser le nombre de crimes classés, d’arrestations, de saisies, d’appels ou d’interventions pour ne nommer que ces indicateurs», indique le rapport.
«Dans leurs interactions avec les citoyens, les policiers doivent rester calmes, empathiques, patients, souvent dans un environnement ou un contexte de pression et d’urgence. Savoir reconnaître et comprendre ses propres émotions et celles des autres est un atout pour exercer la profession policière», constate le mémoire.
Réaction du bureau de la ministre
«Nous avons formé ce comité pour moderniser nos forces policières au Québec. La Loi sur la police n’a pas été dépoussiérée en 20 ans, les gouvernements précédents n’ont pas jugé bon de le faire. Nous, nous agissons, a réagi Jean-Francois Del Torchio, directeur des communications de la vice-première ministre du Québec et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault. Nous attendrons l’issue des travaux avant de faire des commentaires sur les propositions.»
Les villes de Laval et de Longueuil n’ont pas répondu immédiatement aux demandes de réaction de Métro.
L’attaché de presse de l’Opposition officielle à la Ville de Montréal, Marc-Antoine Audette, a dit qu’Ensemble Montréal allait réagir demain après avoir pris connaissance du rapport.
– Avec la collaboration de Carole Côté