Une école secondaire de Montréal-Nord a ouvert une enquête sur la validité de citer deux œuvres québécoises, dont Nègres blancs d’Amérique, alors qu’une vidéo d’un enseignant utilisant le «mot en N» est abondamment partagée sur les réseaux sociaux.
Hier, de nombreux usagers d’Instagram ont partagé des vidéos d’une classe à distance de l’école Henri-Bourassa. On peut entendre l’enseignant prononcer plusieurs fois le mot le commençant par N, et ce, en français et en anglais.
Dans le cadre de son cours, l’enseignant a semblé faire valoir l’argument qu’il devrait être permis de citer des œuvres, même si elles comportent des termes offensants.
On peut l’entendre donner les exemples du monologue Nigger Black d’Yvon Deschamps et du livre Nègres blancs d’Amérique de Pierre Vallières.
«J’utilise le terme Nègres blancs d’Amérique dans un contexte purement historique», a-t-il soutenu devant ses étudiants.
L’enseignant a également qualifié de «cave» celui qui était président de la Ligue des Noirs du Québec à l’époque, alors que l’organisme avait dénoncé le monologue d’Yvon Deschamps.
«Je suis à l’aise avec ce que je fais, et je sais que les mots que j’utilise en classe n’ont aucunement l’intention de blesser qui que ce soit, mais regardez les juifs, est-ce qu’on devrait s’empêcher de parler de camps de concentration parce que c’est blessant et que ça a été dur pour eux? Au contraire, il faut en parler», a poursuivi l’enseignant dans la vidéo captée à son insu.
Il n’a pas été possible de confirmer à quel moment ce cours a été donné. L’événement survient toutefois alors qu’un débat ait éclaté autour de l’utilisation de ces mêmes mots à l’Université d’Ottawa. La professeure à temps partiel Verushka Lieutenant-Duval a été suspendue le 23 septembre par la direction de l’université à la suite d’une plainte déposée par une étudiante. Depuis, la controverse entourant l’utilisation du mot commençant par N en contexte académique est vive.
Dénoncé sur les réseaux sociaux
Les vidéos de l’enseignant de Montréal-Nord ont été abondamment partagés, notamment sur Instagram. De nombreux usagers, dont plusieurs avec une grande plateforme, ont dénoncé la situation.
L’usagère «biancamemes2» a incité ses 4700 abonnés à se plaindre à la direction l’école en partageant une lettre à envoyer au directeur, dont elle a partagé l’adresse courriel.
«L’enseignant répète ce mot sans excuses légitimes. Il le répète pour non seulement choquer, mais insulter ceux qui n’ont pas le même avis que lui», peut-on lire dans cette lettre envoyée au directeur par plusieurs personnes.
Le militant des droits civiques Will Prosper est parmi ceux qui ont partagé les vidéos. Il dénonce également les propos de l’enseignant.
«Tu sais déjà que ça dérange un paquet de personnes et tu fais le choix de le répéter à d’autres personnes plus jeunes, déplore-t-il en entrevue avec Métro. Il ne veut pas défendre l’œuvre, mais l’utilisation d’un mot négatif.»
M. Prosper est d’autant plus «choqué» que cela se soit produit dans une classe de Montréal-Nord «une place où il y a beaucoup de diversité», souligne-t-il.
L’école ouvre une enquête
En réaction aux plaintes reçues, l’école Henri-Bourassa a ouvert une enquête.
Dans un courriel envoyé par le directeur, Sébastien Tremblay, dont Métro a obtenu copie, on apprend que l’enquête tournera sur «la validité d’utiliser l’exemple du livre Nègres blancs d’Amérique ainsi que le «le commentaire d’un monologue d’Yvon Deschamps».
Dans le même courriel, le directeur dénonce également que l’enseignant ait été enregistré à son insu. «Je vous invite à ne pas diffuser contenu qui a été capté à l’insu d’un enseignant. Aucune école n’accepterait qu’un enseignant soit filmé à son insu dans la classe… il en va de même pour une classe virtuelle. »
Le Centre de services scolaires de la Pointe-de-l’Île a décliné nos demandes d’entrevues au directeur, ainsi qu’à l’enseignant. Il n’a pas été possible de savoir si l’enseignant en question a déjà fait l’objet de plaintes ni si des mesures disciplinaires ont été prises envers lui.
«Nous prenons la situation au sérieux et des actions ont été entreprises afin de faire la lumière sur ces événements, qui surviennent dans un contexte particulièrement délicat», a indiqué la directrice des communications du CSSPI, Valérie Biron. L’inclusion, l’équité et la bienveillance sont au cœur de la mission éducative du CSSPI et aucune forme de discrimination ne saurait être tolérée dans nos établissements», a-t-elle ajouté.