Langue française: «On a laissé Montréal pourrir»
Le Québec, «désormais et pour toujours»… anglais? C’est le risque que court la province, et plus particulièrement Montréal, plus de 40 ans après l’adoption de la Charte de la langue française, avertit l’essayiste Frédéric Lacroix.
Dans son essai intitulé «Pourquoi la Loi 101 est un échec», le chercheur et chroniqueur tente d’expliquer la tendance «en arc de cercle» de l’encadrement linguistique au Québec. Si Camille Laurin, père de la Charte de la langue française, avait indiqué en 1977 que le Québec serait «désormais et pour toujours français», il n’en est rien aujourd’hui, constate M. Lacroix dans les pages de son livre.
Principale victime de ce que l’auteur qualifie d’abandon institutionnel, la métropole francophone périclite, avance-t-il.
«La situation à Montréal, partout dans les couronnes, est catastrophique», affirme sans détour M. Lacroix en entrevue avec Métro. Le symptôme, avant tout, de l’inaction des gouvernements provinciaux successifs, souligne l’auteur.
«Un des responsables majeurs, c’est l’État québécois lui-même, qui finance la minorisation de la majorité francophone à Montréal.» – Frédéric Lacroix, essayiste
Cégeps et universités
C’est notamment en finançant à haut prix les institutions d’enseignement supérieur anglophones que les gouvernements ont facilité l’effacement de la langue de Molière, selon M. Lacroix. Le Parti québécois, le Parti libéral, la Coalition avenir Québec: tous sont coupables, affirme l’expert.
«Aucun ministre n’a agi. Ils ont laissé la situation pourrir», tonne-t-il.
Sur l’île de Montréal, M. Lacroix a calculé que «dans quelques années», le nombre de places dans les cégeps anglophones allait dépasser le nombre de places francophones, observe l’auteur. «On était à 40% en 2018.»
Il va plus loin: «ce que je pense, c’est que, dans vingt ans, le postsecondaire [universités incluses] à Montréal sera majoritairement anglophone.»
«Chantier»
À Québec, l’actuel ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, travaille à l’élaboration d’un plan d’action sur la langue française. Celui-ci devrait paraître cet automne.
L’élu affirme vouloir répondre au ralentissement du français dans les entreprises. En août, une étude commandée par l’Office québécois de la langue française concluait que près de deux tiers des entreprises montréalaises exigeaient en 2018 des compétences linguistiques en anglais.
Or, selon Frédéric Lacroix, un simple plan d’action gouvernemental ne répondra pas à l’urgence. Même «une nouvelle Loi 101 sera insuffisante». Il faudra à ses yeux «investir des milliards».
«Il faut resserrer la loi de façon costaude. Et il faut une politique culturelle qui va tenir compte de l’univers numérique actuel, constate M. Lacroix. Aujourd’hui les jeunes sont bilingues très tôt. Notre univers ressemble de plus en plus à celui des Franco-Ontariens.»