Plusieurs organismes ont de nouveau uni leurs voix, mercredi, pour presser le gouvernement Legault de régulariser le statut des demandeurs d’asile ayant oeuvré à titre d’«anges gardiens» dans le contexte de la pandémie du coronavirus, alors que plusieurs d’entre eux risquent la déportation.
Le mois dernier, le gouvernement Legault a annoncé avoir conclu une entente avec Ottawa afin de mettre en place un programme spécial pour les demandeurs d’asile en période de COVID-19. Celui-ci vise à permettre aux demandeurs d’asile ayant offert «des soins directs aux patients et aux personnes aînées depuis le début de la crise sanitaire» d’avoir accès plus facilement à la résidence permanente.
Il comprend toutefois plusieurs critères limitatifs, selon des organismes de défense des droits des immigrants. Pour pouvoir bénéficier de ce programme, les demandeurs d’asile doivent notamment prouver avoir été au front pendant au moins six mois dans le contexte de la crise sanitaire. Plusieurs emplois dans les CHSLD et d’autres milieux de soins, qui ne sont pas liés directement à l’offre de soins de santé, ne figurent pas dans les professions admissibles. C’est notamment le cas des agents d’entretien et des agents de sécurité.
«Ce sont des centaines, voire des milliers de demandeurs d’asile, qui sont [à risque de subir une déportation] parce que le système les aura rejetés», a soulevé le porte-parole du Comité d’action pour les personnes sans statut, Frantz André. Il a alors pressé Québec d’élargir l’accès à ce programme.
«Ce serait une étape décisive pour mettre fin au racisme systémique», a pour sa part affirmé Manuel Salamanca Cardona, du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants, qui réclame un statut légal «pour tous».
Soutien à Mamadou Konaté
C’est notamment le cas de Mamadou Konaté, qui réside à Montréal. Ce dernier a été agent d’entretien dans un CHSLD pendant la première vague du coronavirus. Il nettoyait alors les couloirs et les chambres dans les «zones chaudes», où il a d’ailleurs contracté le coronavirus.
N’ayant pas de statut légal, M. Konaté, qui a fui la Côte d’Ivoire en 2015 pour s’établir au Québec, a été arrêté récemment et se retrouve actuellement en détention au Centre de surveillance de l’immigration de Laval. Son avocat, soutenu par Québec solidaire, tente actuellement de régulariser son statut afin d’éviter sa déportation.
«Il fait partie de tous ces travailleurs sans statut qui ont non seulement assuré les conditions de propreté et d’hygiène durant les moments les plus forts de la pandémie, mais qui ont aussi pris soin des personnes âgées, qui les divertissaient un peu, alors que personne ne pouvait les visiter», a souligné Amelia Orellana-Côté, de la campagne «Solidarité pour Mamadou».
En agissant à titre de travailleurs essentiels pendant la première vague, les demandeurs d’asile ont pourtant ainsi répondu à l’appel du gouvernement Legault, a rappelé le président de l’organisme Debout pour la dignité, Wilner Cayo. Il presse maintenant Québec d’«être cohérent».
«Vous estimez qu’ils étaient assez bons pour travailler, mais pas assez bons pour rester», a-t-il déploré, pressant lui aussi pour la régularisation du statut de l’ensemble des demandeurs d’asile qui ont pris part à la lutte contre le coronavirus.
«N’assimilez pas ces travailleurs à des produits jetables.» -Wilner Cayo, président de l’organisme Debout pour la dignité
Le gouvernement «reconnaissant»
Contacté par Métro, le cabinet de la ministre de l’Immigration du Québec, Nadine Girault, a assuré que le gouvernement est «reconnaissant» à l’égard de «tous les travailleurs essentiels qui ont contribué à l’effort collectif de combattre le virus».
Il rappelle toutefois que malgré le programme mis en place pour aider les demandeurs d’asile ayant offert des «soins directs» pendant la crise sanitaire à obtenir leur résidence permanente, les règles d’octroi du statut de réfugié demeurent.
«Celles-ci continueront de s’appliquer normalement. Les gens en attente ou non admissibles au programme spécial doivent donc poursuivre leurs démarches auprès des institutions compétentes. C’est que ce que nous les encourageons à faire», conclut l’attachée de presse du cabinet de la ministre Girault, Flore Bouchon.