Malgré la reprise du marché du travail dans les derniers mois, le nombre de bureaux laissés vacants au centre-ville de Montréal a continué d’augmenter, alors que plusieurs entreprises se tournent vers la sous-location.
Dans les derniers mois, le marché du travail a repris de la vigueur à Montréal. Ce sont en fait quelque 314 800 travailleurs qui ont regagné leur poste entre les mois de mai et d’août dans la métropole, selon un rapport de l’agence immobilière CBRE publié mardi. Le bassin d’emplois a ainsi atteint 96% de ce qu’il était avant la pandémie, à Montréal.
Au centre-ville, toutefois, peu d’employés ont recommencé à se rendre à leur lieu de travail, alors que l’achalandage des tours à bureaux oscille entre 5 et 10%. Devant ce constat, plusieurs entreprises tentent de trouver des moyens de rentabiliser leurs immeubles vides. Le rapport fait ainsi état de l’ajout d’une superficie totale de près de 28 000 m2 en espaces de bureaux mis en sous-location depuis le début de l’année au centre-ville.
«Tant qu’il n’y aura pas de remède [à la COVID-19], il y a plusieurs compagnies qui sont prêtes à attendre et à mettre leurs espaces en sous-location», constate le vice-président et directeur général de CBRE, Avi Krispine, en entrevue à Métro.
Des bureaux à bas prix
Une nouvelle qui n’est pas nécessairement mauvaise, aux yeux du président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc. Ce dernier explique que ce phénomène pourrait accroître l’accès des bureaux du centre-ville à des entreprises qui n’auraient pas eu les moyens de louer ceux-ci avant la pandémie.
«Si ça a pour effet de rendre accessible des locaux du centre-ville à bon prix aux petites entreprises, ça pourrait s’avérer positif», soulève M. Leblanc.
Inoccupation des bureaux à la hausse
Cette nouvelle tendance, directement liée à la pandémie, a eu pour effet de faire grimper à 8,7% le taux d’inoccupation des bureaux au centre-ville pour le troisième trimestre de l’année en cours, contre 7,3% trois mois plus tôt, selon ce rapport.
Si le pourcentage de bureaux disponibles est plus important à Montréal qu’à Toronto ou à Vancouver, où il est de moins de 5%, il est toutefois inférieur à bien d’autres villes canadiennes. Ce taux grimpe notamment à 18,7% au centre-ville d’Halifax, voire à 28,7% au coeur de Calgary.
«Éventuellement, une fois que les baux des locataires [des bureaux du centre-ville] vont venir à échéance, le taux d’inoccupation va augmenter. C’est une certitude.» -Avi Krispine, vice-président et directeur général de CBRE
Un phénomène temporaire
Depuis la mi-juillet, le gouvernement Legault autorise les tours à bureaux à accueillir 25% de leurs employés, soit nettement plus que le nombre actuel de travailleurs dans ces édifices, au centre-ville de Montréal.
«Les présences aux bureaux sont pratiques pour les rencontres face à face, mais ne sont pas nécessaires», souligne à Métro le professeur à la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche. Dans de nombreux secteurs présents au centre-ville, comme celui des finances et des nouvelles technologies, «la délocalisation des emplois se fait plus facilement», indique-t-il.
Il doute toutefois que l’on puisse voir dans le rapport en question le début d’une tendance à plus long terme vers le délaissement des bureaux au centre-ville. «Le télétravail, c’est complémentaire, ce n’est pas un substitut», estime-t-il. Des employés auront toujours besoin dans les prochaines années de se déplacer à leur bureau de temps à autres pour prendre part à des rencontres en personne, affirme-t-il.
«Les gestionnaires d’immeubles [à bureaux] ont plus avantage à ne rien faire pour l’instant et d’attendre de voir comment va se stabiliser le marché du travail», plutôt que de se délaisser de leurs bureaux au centre-ville, estime donc l’expert.
Les condos moins populaires
Le télétravail pourrait aussi avoir rendu les condos moins populaires, au profit de propriétés plus spacieuses situées à Montréal et dans sa banlieue, selon de nouvelles données de la firme Royal LePage publiées mardi. Celles-ci font état d’une croissance de 4,6% du prix médian maisons de luxe dans le Grand Montréal dans l’espace d’un an, tandis que celui des condos de prestige a diminué de 2%.
Ainsi, «nous continuer d’assister à un exode vers les banlieues», estime l’agence immobilière, qui fait état d’une amplification de ce phénomène en raison de la pandémie.
«Un des grands avantages d’avoir un condo au centre-ville, c’est de pouvoir vendre sa voiture et de pouvoir marcher au travail […] À l’heure actuelle, je ne peux pas vendre mon condo en utilisant un argument de vente comme celui-là», soulève M. Meloche. L’attrait pour l’immobilier du centre-ville pourrait toutefois bien revenir en force après la pandémie, entrevoit l’expert.