Le commerce de détail vit une période paradoxale avec d’un côté, des entreprises qui font des affaires d’or, comme le Marché Goodfood (premiers profits réalisés durant la pandémie), les épiciers et différents services de livraison et de l’autre, des commerces qui vivent des moments difficiles. Et la situation de ceux dans les centres-villes est pire qu’en régions, si on se fie aux données récentes de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).
À Montréal, on frôle la catastrophe: seules 14% des entreprises ont retrouvé des ventes semblables à celles d’avant la pandémie. C’est 18% à Toronto et 22% à Ottawa, précise François Vincent, vice-président, Québec, à la FCEI.
Contraste important
Au Canada, elles sont seulement 28% à avoir retrouver leur erre d’aller (22% des PME des centres urbains et 37% pour celles des zones rurales).
Dans l’ensemble du Québec, la situation est légèrement meilleure: 33% des entreprises sondées disent réaliser leur niveau de ventes habituel, dont 26% dans les centres urbains et 45% dans les régions, indiquent les données de l’organisme. Ces données sont issues de sondages de la Fédération menés auprès de 5119 de ses membres.
«C’est certain que lorsqu’on entend dire que Montréal est l’épicentre de l’épidémie, cela fait peur à la clientèle», explique Valérie Law, directrice du marketing des Cours Mont-Royal, situé à proximité du métro Peel, tout près des tours à bureaux de René-Lévesque Ouest. Les ventes sont en baisse, là comme ailleurs.
Mme Law met les choses en perspective, se disant que l’industrie au complet souffre. Elle a bon espoir qu’avec la rentrée scolaire, les parents vont revenir travailler à Montréal, ramenant des clients aux cafés du centre-ville et des dîneurs dans les restaurants des alentours.
Service VIP
Il faut dire qu’en plus de ne pas pouvoir compter sur les touristes internationaux, une manne habituelle, les commerces du centre-ville s’ennuient des travailleurs urbains.
Pourtant, les boutiques sont sécuritaires et des protocoles sanitaires rigoureux sont déployés, assure Mme Law.
«Dans plusieurs de nos enseignes [Monroe, Desigual, DKNY, InWear, Martinique], nous offrons le service VIP. La cliente qui a un rendez-vous à la boutique a pour elle seule, sa propre cabine d’essayage et les services personnalisés de nos stylistes. Avant son arrivée, nous avons déjà pré-sélectionné sa taille, ses couleurs et des pièces susceptibles de lui plaire.»
On peut dire que le magasin de bottes et de chaussures Tony Pappas fait partie des chanceux.
Manon Gauthier, v.-p. de l’entreprise de l’avenue du Mont-Royal, indique que le niveau des ventes n’est pas revenu comme avant mais «qu’on est pas loin, on s’en approche». Ce qui aide cette entreprise dans les affaires depuis 1900 est le commerce en ligne, qui génère maintenant de 25 à 30% des ventes, par rapport à 8-10 % avant la pandémie. Il faut dire que le commerce, plus que centenaire, y présente l’entièreté de son inventaire, même les soldes.
C’est d’ailleurs là que la direction les invite à pré-magasiner avant de s’y rendre. «Certains clients arrivent même en magasin avec le numéro du modèle qu’ils souhaitent», dit Mme Gauthier.
Tous les employés de Tony Pappas, sauf un, sont de retour au travail. Elle a même quelques postes à combler!
«C’est sûr que la business est différente, dit-elle. On a vu un transfert de l’achalandage entre notre boutique et notre site web. Il y a peu de clients en magasin, maximum 4-5. C’est un service vraiment personnalisé, du un pour un, soit un employé par client. Car tout doit être nettoyé, désinfecté après chaque client.»
Du côté des chanceux, on retrouve aussi Mondou, qui ouvrira sa 68e boutique lundi prochain à Verdun. Son statut de «services essentiels» a aidé aux affaires. Mais n’empêche. «Ça va vraiment très bien, je vous dirais, dit le chef de la direction de cette entreprise familiale qui emploie plus de 900 personnes, Martin Deschênes. Notre croissance n’a pas été arrêtée par la pandémie et je voudrais remercier nos employés et les gens du Québec pour cela.»
Les Québécois peuvent «faire la différence»
«L’achat local est crucial pour la survie de nos PME, rappelle M. Vincent, de la FCEI. Cette semaine, nous invitons les personnes qui vivent dans des centres urbains ou à proximité à encourager les entreprises qui animent nos villes. On peut le faire en commandant des plats à emporter ou en allant faire une promenade pour encourager les détaillants de notre centre-ville. Pour préserver nos commerces et redresser la situation économique d’une manière générale, la meilleure chose à faire, c’est de choisir PME.»
«Pourquoi ne pas aller visiter nos commerces du centre-ville de Montréal, les bons restaurants du Vieux-Montréal cette fin de semaine? Il y a des activités intéressantes aussi à la Place Jacques-Cartier. Il faut aussi mentionner que la Ville de Montréal organise des animations spontanées dans le centre-ville. Elles peuvent créer de belles surprises!»