Mettre fin à l’itinérance chronique. Telle est la quête qui guide depuis près de 13 ans le président et chef de la direction de la Mission Old Brewery, Matthew Pearce, qui prendra bientôt sa retraite avec un sentiment d’espoir pour la suite.
Depuis 2008, M. Pearce figure sur la ligne de front de la lutte contre l’itinérance dans la métropole québécoise. Sous sa gouverne, l’organisme qu’il chapeaute a considérablement grandi dans les dernières années. Il compte maintenant un refuge pour hommes et un pavillon réservé et aux femmes, en plus d’assurer un service de navette en hiver vers l’unité de débordement aménagée depuis quelques années à l’ancien hôpital Royal Victoria.
Sous sa gouverne, l’organisme a aussi transformé un de ses refuges d’urgence en un centre de ressources accessible en tout temps. L’objectif: assurer la réinsertion sociale des sans-abri.
«Je pense qu’aujourd’hui, on a réussi à convaincre beaucoup de personnes que l’itinérance n’est pas une fatalité», affirme M. Pearce, en entrevue à Métro. En 2008, à son arrivée, beaucoup de citoyens concevaient l’itinérance comme «un trou noir dont on ne peut pas sortir», se remémore l’homme de 65 ans, qui passera le flambeau à James Hugues à la fin du mois de septembre.
«On veut que l’itinérance soit un épisode court dans la vie [d’une personne] et non quelque chose qui la définit.» -Matthew Pearce, président sortant de Mission Old Brewery
Accès au logement
L’organisme a d’ailleurs agrandi considérablement dans les dernières années le nombre de logements qu’il garde à la disposition des citoyens qu’il épaule dans leur réinsertion sociale. Celui-ci est ainsi passé d’une trentaine d’unités à plus de 300 logements «permanents», souligne M. Pearce.
«On ne participe pas aux logements transitionnels. On pense que les personnes en situation d’itinérance ont déjà assez d’épées de Damoclès au-dessus de leur tête, donc on veut enlever celle du logement», ajoute-t-il.
L’enjeu de la lutte contre l’itinérance demeure toutefois énorme. Le nombre de sans-abri a d’ailleurs augmenté à Montréal dans les dernières années, passant de 3016 à environ 3150 entre 2015 et 2018, selon le dernier recensement québécois à cet égard.
«J’aurais aimé vous dire avant mon départ que l’itinérance est à la baisse, mais on n’est pas encore rendu là», reconnaît Matthew Pearce, qui souligne néanmoins que les organismes comme le sien ont réussi à «stabiliser» le nombre de personnes itinérantes dans les dernières années.
«Notre prochaine étape, c’est de réussir à faire baisser le nombre de personnes en situation d’itinérance», ajoute-t-il, confiant.
Crise du coronavirus
La dernière année de M. Pearce à la tête de la Mission Old Brewery aura d’ailleurs été marquée par la crise du coronavirus, qui a causé bien des maux de tête à toute son équipe dans les derniers mois.
«Ce n’était pas évident du tout. Le coronavirus n’est pas arrivé à Montréal avec un manuel de procédure. Il a fallu rapidement mettre en place les protocoles nécessaires pour assurer la sécurité de nos employés et de notre clientèle», raconte le dirigeant sortant de l’organisme, qui fait état d’un climat «tendu et stressant» au plus fort de la première vague du coronavirus.
Des efforts qui ont toutefois porté fruit alors qu’au final, seulement un sans-abri fréquentant les refuges de l’organisme n’a contracté la COVID-19. Aucun employé n’a été frappé par la maladie. «Il faut rester vigilants. Mais en date d’aujourd’hui, on a moins peur», indique-t-il.
Un campement «inquiétant»
M. Pearce s’inquiète d’ailleurs de voir qu’un campement semble prendre de l’ampleur dans le quartier Hochelaga, près de la rue Notre-Dame Est. «Il y a peut-être une dizaine de tentes aujourd’hui, mais est-ce qu’il y en aura 20 ou 30 dans les prochaines semaines? On ne le sait pas», laisse-t-il tomber.
En raison de la pandémie, les refuges traditionnels ont dû réduire considérablement leur capacité afin de respecter les règles sanitaires en vigueur. Afin de compenser cette situation, la Ville a aménagé de nombreux refuges temporaires dans la métropole.
«Il y a des lits qui ont été ouverts en conséquence par la Ville, mais elle est en train de fermer ces sites, car les hôtels et les arénas doivent ouvrir. Et ça crée des conséquences inattendues, et une de celles-ci, j’ose croire que c’est le campement sur Notre-Dame», avance M. Pearce.
Un simple démantèlement du camp, comme l’a fait la police de Montréal à divers endroits le mois dernier, est toutefois inutile, précise-t-il. «Ça prend un transfert organisé de ces gens de leur campement vers la réinsertion. Sinon, ils vont juste aller ailleurs.»