Crise du logement: les restrictions pour la transformation des logements font débat
Alors que plusieurs arrondissements de Montréal ont adopté récemment des projets de règlement concernant la subdivision ou l’agrandissement des logements, la corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) juge ces mesures «inacceptables».
Pour lutter contre la crise du logement, les arrondissements de Ville-Marie, Verdun, Plateau Mont-Royal, Rosemont-La-Petite-Patrie, Sud-Ouest, Mercier Hochelaga-Maisonneuve et Villeray Saint-Michel Parc-Extension sont en train de modifier leur règlement.
Dans plusieurs d’entre eux, la possibilité de transformer un multiplex en logement unifamilial sera par exemple restreinte. Les projets de division ou de subdivision seront aussi limités et les maisons de chambres ne pourront plus changer d’usage.
Selon la CORPIQ, ces projets de règlement sont une atteinte «inacceptable» aux droits des propriétaires. De plus, la corporation dit craindre que ces changements incitent les familles propriétaires à quitter les quartiers centraux, faute de pouvoir réaliser leurs projets.
Propriétaire d’un quintuplex Joanne Lafontaine qui vit depuis 20 ans dans Rosemont est inquiète. Alors qu’elle occupe le rez-de-chaussée de son immeuble, elle comptait prochainement demander un permis afin de transformer les deux 3 ½ du troisième étage en un 4 ½ pour sa fille.
«Ma fille a 18 ans et elle a eu un AVC qui lui a fait perdre 50% de sa vision. On voulait qu’elle puisse rester dans le quartier pour utiliser les transports et les infrastructures. Mais, si on ne peut pas transformer notre immeuble, on envisage de déménager», confie-t-elle.
Voulant savoir si le nouveau règlement aurait des conséquences sur son projet, Mme Lafontaine n’a pas obtenu de réponse claire de la part de l’arrondissement.
«Je comprends qu’ils veuillent protéger les locataires, mais je pense que les demandes de permis devraient être évaluées au cas par cas», ajoute la propriétaire.
Un règlement pour protéger les locataires
Selon les arrondissements, le but de ces mesures est avant tout de protéger les locataires, en particulier les plus vulnérables. Cet enjeu semble particulièrement important dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve où le nombre de maisons de chambres a fortement chuté ces dernières années.
«Ce type d’habitation, souvent le dernier espoir avant d’être à la rue, représente une bouée de sauvetage pour plusieurs citoyens vulnérables», souligne ainsi le maire d’arrondissement Pierre Lessard-Blais.
Dans Rosemont-La Petite-Patrie, les élus espèrent empêcher le taux d’inoccupation de descendre encore en limitant les possibilités pour les propriétaires de transformer leur immeuble en logement unifamilial.
«Le projet de règlement que l’arrondissement veut mettre en place propose de ne pas autoriser la conversion de triplex en résidence unifamiliale dans certains secteurs», précise Laura Boily-Auclair, chargée de communication à l’arrondissement.
«Il faut aller plus loin»
Saluant les efforts des arrondissements, le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) n’est toutefois pas satisfait par les projets de règlement proposés.
«C’est un pas dans la bonne direction, mais chaque arrondissement propose des dérogations. En ce moment, 230 ménages sont à la recherche d’un logement dans le Grand Montréal. Il faut aller plus loin si on veut lutter efficacement contre la crise du logement», affirme Catherine Lussier, organisatrice communautaire au FRAPRU.
Dans Mercier-Hochelaga-Maisonneuve par exemple «les fusions ou les agrandissements de logements, ni la conversion en unifamiliale» ne seront limités, souligne le maire lui-même. Et dans Rosemont-La Petite-Patrie, les restrictions ne toucheront pas les propriétaires de duplex.
«Nous sommes très favorables à une amélioration du règlement dans Rosemont-La Petite-Patrie, souligne pour sa part Arnaud Duplessis-Lalonde, organisateur communautaire au Comité de logement Rosemont. Mais, ça ne règlera pas la crise actuelle.»
Si ces mesures sont positives, le FRAPRU et le Comité de logement Rosemont sont d’accord pour dire qu’un contrôle des loyers efficace et la construction de nouveaux logements abordables est indispensable.
«Ces nouvelles mesures n’empêcheront pas les rénovictions par exemple. Il faut commencer à légiférer si on veut vraiment enrayer le phénomène et protéger les locataires», insiste Mme Lussier.