La Ville de Montréal s’apprête à retirer un banc controversé au Square Cabot après que plusieurs citoyens et représentants d’organismes aient décrié celui-ci en le qualifiant d’«anti-itinérants».
L’image d’un banc bleu avec des accoudoirs et un signe où l’on peut lire «15 minutes maximum» a suscité l’ire de plusieurs internautes, jeudi. La directrice du Foyer pour femmes autochtones de Montréal (FFAM), Nakuset, déplore notamment que celui-ci vienne limiter le nombre d’endroits où peuvent s’étendre et se reposer les nombreuses personnes en situation d’itinérance qui fréquentent ce parc urbain.
«C’est un lieu de repos de moins pour eux. C’est bouleversant», lance-t-elle en entrevue à Métro. À la demande de la Ville, de nombreux organismes ont d’ailleurs pris part en novembre dernier à un forum visant à permettre un meilleur partage de l’espace public avec les sans-abri. Celui-ci avait notamment abordé l’importance de limiter la présence d’aménagements hostiles aux personnes en situation d’itinérance dans la métropole.
«Ils ont pris la plupart des tentes. Donc, les itinérants n’ont pas de place pour rester à l’ombre et se rafraîchir. Et maintenant, ils ne peuvent même pas s’étendre sur un banc», renchérit Nakuset. Après avoir toléré temporairement les camps de fortune, le Service de police de la Ville de Montréal a commencé le 1er juin à démanteler plusieurs d’entre eux, qui avaient notamment pris forme autour du Square Cabot, du parc Émilie-Gamelin et du parc Morgan, dans le quartier Hochelaga.
Mobilier «anti-itinérant»
Le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) déplore depuis plusieurs années ce type d’aménagements, «qui a pour effet d’expulser les personnes itinérantes des lieux publics».
«Le Square Cabot, c’est un parc qui est très connu pour être fréquenté par les personnes en situation d’itinérance, surtout les personnes inuites […] C’est assez insultant pour ces personnes, qui ont besoin de ces bancs», a réagi à Métro l’organisatrice communautaire du RAPSIM, Nadia Lemieux.
Le porte-parole d’Ensemble Montréal en matière d’itinérance, Benoit Langevin, a aussi décrié ce banc sur les réseaux sociaux. Selon lui, «les accoudoirs au centre, c’est carrément une installation anti-itinérant».
@Val_Plante, comme skaterboarder, je sais que le design n’est pas pour m’empecher de skater ce banc de parc. Des petites coches sur le bord auraient été suffisante. Les accoudoirs au centre, c’est carrément une installation anti-itinérant. #vivreensemble #mobilierviolent #polmtl https://t.co/D0WMfIeRgO
— Benoit Langevin (@Benoitlangevin) July 9, 2020
Retrait du banc
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, n’a pas tardé à réagir jeudi aux critiques entourant cet aménagement public.
«Il s’agit des vieux bancs mis en place par la précédente administration que j’ai abondamment condamné. Ce banc n’a pas sa place dans les environs du Square Cabot parce qu’il participe à la stigmatisation des personnes en situation d’itinérance. Il sera immédiatement retiré», a-t-elle déclaré sur les réseaux sociaux.
Or, selon Nakuset, ce banc a fait son apparition hier dans le Square Cabot, une information que n’avait pas confirmé à Métro l’arrondissement de Ville-Marie, au moment de mettre en ligne.
«Comme Ville, il nous reste du chemin à faire pour développer de meilleurs réflexes sur l’installation du mobilier public pour être plus inclusif et je suis de cette bataille.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Canicule
Nakuset se dit aussi «inquiète» du manque de mesures prises pour aider les personnes en situation d’itinérance du Square Cabot à faire face à la canicule qui se poursuivra ce jeudi et demain. Au centre du parc, on retrouve un brumisateur où il est possible de se rafraîchir, mais c’est insuffisant, constate la directrice du FFAM, qui demande à la Ville de permettre aux sans-abri du secteur d’aller se rafraîchir dans des lieux fermés climatisés à proximité du parc.
«Il faut agir parce que sinon, il y a des gens qui risquent de mourir», laisse-t-elle tomber.
Questionné sur ce point par Métro, le cabinet de Mme Plante a souligné avoir mis en place «un réseau d’haltes-fraîcheur pour permettre à la population de se rafraîchir pendant les périodes de canicule».