Logement: vers une hausse du taux d’inoccupation à Montréal?
Quelque 10 000 nouvelles unités de logement locatif arriveront sur le marché de Montréal en 2020. C’est un record «inégalé» depuis plusieurs années, selon un nouvelle étude de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). La demande, elle, risque toutefois de diminuer en raison de la baisse de la migration, pandémie oblige. Résultat: le taux d’inoccupation, qui oscille autour de 1,5%, pourrait augmenter rapidement.
«Il y a encore beaucoup d’inconnus, donc c’est difficile de prédire l’avenir de façon précise. Cela dit, avec la baisse du solde migratoire, on peut quand même s’attendre à ce que ce soit moins compliqué pour un locataire de trouver un logement dans les prochains mois», explique à Métro le spécialiste en analyste de marché de la SCHL, Francis Cortellino.
La baisse de nouveaux résidents non-permanents arrivés à Montréal entre janvier et mars est de l’ordre de 40%. Cela aura une forte incidence sur le marché, car ces personnes composent une bonne partie de la demande. «La demande locative va être impactée à la baisse, dit M. Cortellino. D’un autre côté, elle sera aussi soutenue par le fait que moins de ménages vont pouvoir accéder à la propriété, étant donné la situation économique très difficile.»
«Si le bilan migratoire diminue drastiquement, le marché locatif devrait amorcer une détente. Dans le cas contraire, le taux d’inoccupation montréalais devrait demeurer sous les 2%.» -Francis Cortellino, de la SCHL
Il ajoute que certaines unités de location «à court terme» pourrait «faire le saut du côté du long terme, ce qui accroîtra le nombre d’appartements nouvellement offerts». Cette croissance de l’offre, estimée à 10 000 nouvelles unités, «permettra d’alléger la pression sur le marché locatif», analyse M. Cortellino.
La Ville sur ses gardes
Au cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, on accueille la nouvelle plutôt favorablement, avec quelques bémols toutefois. «De prime abord, il est clair que l’ajout d’un si grand nombre de logements locatifs pourra avoir un effet positif sur le taux inoccupation à Montréal», dit sa porte-parole, Geneviève Jutras.
«Ce qu’on ne voit pas dans ces données par contre, c’est le type de logements, et le prix du loyer. Les solutions pour rétablir un équilibre dans le marché locatif de notre métropole sont multiples, et incluent le développement de nouveaux logements sociaux, abordables et familiaux, afin de répondre aux besoins de la population», ajoute-t-elle.
Quels impacts sur le terrain?
Pour la porte-parole au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), Véronique Laflamme, les 10 000 nouveaux logements «demeurent encore des projections» qu’il faut relativiser. «On n’a pas l’assurance que ça va régler la pénurie de logements compte-tenu de la forte demande qui existait avant la pandémie», raisonne-t-elle.
Mme Laflamme ajoute que cela n’aidera en rien la situation des familles vulnérables. «Ce qui se construit, c’est majoritairement de petits logements. Et des logements chers. Les logements neufs ne sont pas abordables. Ces nouvelles unités ne règlent en rien la pénurie de logements sociaux», dit-elle.
«Il y a urgence d’y réinvestir massivement, ce qui contribuerait à faire augmenter les mises en chantier. […] On doit rapidement construire du logement social sous différentes formules pour répondre aux besoins accrus par la pandémie.» -Véronique Laflamme, du FRAPRU
Le FRAPRU avance aussi que l’incertitude sur l’évolution du taux d’inoccupation est palpable. «La SCHL dit qu’il pourrait demeurer sous le 2%. Mais plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Et on ne sait toujours pas quel effet ça aura», dit Mme Laflamme.
De nouvelles réalités
À la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), le directeur aux affaires publiques, Hans Brouillette, est plutôt optimiste. «Nous commençons à voir l’effet des logements auparavant loués à court terme à des touristes. Ils reviennent sur le marché résidentiel», dit-il.
«En ajoutant 10 000 unités neuves prévues et en comptant tous les logements qui se libéreront en raison des pertes d’emplois et des cours universitaires à distance, il est certain que le taux d’inoccupation va remonter au-delà de 2%.» -Hans Brouillette, de la CORPIQ
Seul hic: si les nouvelles unités devraient trouver preneur, «les logements non rénovés deviendront plus difficiles à relouer», note M. Brouillette. «Dans ce contexte d’une offre plus abondante, le gouvernement doit être prudent avant de financer la construction de nouveaux logements sociaux et plutôt prioriser l’aide financière directe à la personne», tranche-t-il.