Tout au long de 2020, la pandémie affectera durement les finances des sociétés de transport du Grand Montréal, qui ont vu leur achalandage chuter dans les dernières semaines. D’ici la fin de l’année, l’Autorité régionale du transport métropolitain (ARTM) prévoit des pertes de 523 M$ pour l’industrie. L’organisme s’attend aussi à des «répercussions conséquentes au cours des prochaines années».
«L’achalandage ne va pas magiquement réapparaître en 2021, tout d’un coup. Nous prévoyons que l’impact se constatera au-delà de cette année», soulève le porte-parole de l’ARTM, Simon Charbonneau, en entrevue avec Métro.
Plus tôt, jeudi, le gouvernement Legault dévoilait un investissement de 400 M$ pour venir en aide aux sociétés de transport, dont les membres de l’ARTM. Si on ignore quelle part de cette enveloppe sera dédiée aux organismes de transport du Grand Montréal, il est logique de croire que la métropole, qui totalise plus de 80% des déplacements en transport collectif, en touchera beaucoup.
Encore du chemin, une refonte tarifaire à venir
Si l’Autorité «salue» cette annonce, elle affirme que ces nouvelles sommes ne sont qu’«une partie du manquer à gagner substantiel qui découle de la baisse d’achalandage». «Il reste du chemin à parcourir collectivement pour trouver des solutions à ce défi historique», explique-t-on. Afin de trouver des «solutions viables» à la crise, un groupe de travail sera mis sur pied dans les prochains jours.
«La crise remet beaucoup de choses en question. Toutes les croissances d’offre de service vont devoir être revues, et conséquemment, l’acquisition de véhicules.» -Benoit Gendron, directeur général de l’ARTM
Jeudi, lors d’une séance du conseil d’administration, l’organisme a aussi confirmé la reprise des consultations sur la refonte tarifaire, l’automne prochain, en vue d’une adoption au courant de 2021. «C’est l’un des dossiers majeurs, a précisé le directeur de la planification des transports, Daniel Bergeron. On annonce un projet assez ambitieux avec tous les partenaires qui intégrera le REM, le métro, le train, les autobus et le transport adapté.»
Plus d’argent réclamé
L’ARTM affirme que ses pertes «découlent principalement» de la baisse des revenus tarifaires, qui composent 28% du financement des services. La hausse des «coûts liés à la crise sanitaire, et ce en dépit d’efforts consentis par les opérateurs pour réduire les coûts d’exploitation», en serait aussi fortement responsable.
Pour l’expert en planification des transports de l’UQAM, Pierre Barrieau, il importe que les gouvernements investissent davantage pour éviter des coupures massives de service. «On peut s’attendre à des pertes qui vont s’approcher du 900 M$, voire du 1 G$ au Québec. L’aide gouvernementale couvrira donc à peine la moitié des pertes. Comme les villes n’ont pas le droit de faire de déficit, Québec n’aura pas le choix de boucler une deuxième ronde de financement», observe-t-il.
Même son de cloche pour le spécialiste en infrastructures de transport à l’Université de Montréal, Jean-Philippe Meloche, pour qui il importe de préciser davantage la nature des revenus, et des dépenses.
«Le transport collectif n’est jamais rentable en partant, donc il y aura toujours des subventions. Mais les ventes de titre de transport représentent quand même moins du tiers des recettes. Il faudrait voir où est le reste, surtout que les dépenses ont sûrement été restreintes à certains endroits.» -Jean-Philippe Meloche, de l’UDEM
Quel avenir pour le transport collectif?
Il y a quelques semaines, Métro rapportait que les pertes financières du transport collectif avaient déjà atteint 165 M$ à Montréal.
Dès la mi-mars, l’achalandage a chuté de 90% dans le métro de Montréal. Mais depuis, la situation semble tranquillement s’améliorer. La STM recense maintenant des pertes de 83% dans le métro. Idem pour le réseau de bus, dont les pertes d’achalandage oscillent maintenant autour de 64%. C’est un gain d’environ 15% par rapport au début de la crise.
Sur la Rive-Nord, la Société de transport de Laval (STL) observait le même phénomène au début juin. «Une croissance lente, mais constante est observée depuis le début mai. On a atteint la semaine dernière environ 25% de l’achalandage habituel», avait expliqué sa porte-parole, Estelle Lacroix. En avril, ce chiffre était de 13%.
Le Réseau de transport de Longueuil (RTL), lui, a témoigné d’une augmentation de 10%. Seul exo, le réseau des trains de banlieue, semblait faire exception à la règle: l’achalandage demeure «sensiblement le même», soit 9% pour le train, 18% dans les bus et 10% dans le transport adapté.