Signe que la reprise des activités économiques est bien entamée, le transport collectif reprend lentement mais sûrement du galon à Montréal, montrent des données obtenues par Métro. Cela dit, les prochains mois seront critiques, alors que les fortes baisses d’achalandage ont fait mal aux finances des sociétés de transports dans les derniers mois. Analyse.
«Nous avons noté une légère hausse, mais nos chiffres démontrent encore une baisse importante de l’achalandage, explique la porte-parole de la Société de transport de Montréal (STM), Amélie Régis. Avec le déconfinement graduel, nous verrons sûrement une augmentation dans les prochaines semaines.»
Le métro, qui a connu des baisses surpassant les 90% dans les dernières semaines, recense maintenant des diminutions d’achalandage de 86%. Idem pour le réseau de bus, dont les pertes d’achalandage oscillent autour du 70% dans la métropole. C’est un gain de plus de 10% par rapport au début de la pandémie. Le transport adapté, lui, demeure stable, avec une baisse d’utilisation moyenne de 79%.
Les banlieues progressent aussi
Sur la Rive-Nord, la Société de transport de Laval (STL) observe le même phénomène. «Une croissance lente, mais constante est observée depuis le début mai. On a atteint la semaine dernière environ 25% de l’achalandage habituel», dit sa porte-parole, Estelle Lacroix. C’est presque le double des utilisateurs par rapport à avril, où l’organisation avait observé un usage quotidien d’à peine 13%.
«Chaque annonce du gouvernement, de même que les journées de beau temps, ont eu pour effet d’augmenter l’achalandage.» -Estelle Lacroix, de la STL
Le Réseau de transport de Longueuil (RTL), lui, témoigne d’une augmentation d’environ 10%. «Notre achalandage a connu une baisse de 75% au plus fort de la crise et a augmenté pour atteindre une baisse de 65% dans la semaine du 25 mai», assure sa coordonnatrice aux communications, Alicia Lymburner.
Seul exo, le réseau des trains de banlieue, semble faire exception à la règle: l’achalandage demeure «sensiblement le même», soit 9% pour le train, 18% dans les bus et 10% dans le transport adapté. «Puisque notre clientèle est principalement composée de travailleurs du centre-ville et d’étudiants, nous n’anticipons pas qu’elle augmentera de façon significative dans les prochaines semaines», avoue la porte-parole, Catherine Maurice.
Des afflux à transformer
Pour le président de Trajectoire Québec, François Pepin, le retour à la normale dans le secteur devrait prendre au moins un an, voire plus.
Pendant une année «typique», le transport collectif perd déjà 12% de ses usagers annuellement, en moyenne, selon l’organisme. Habituellement, cette perte est toutefois largement remplacée par de nouveaux usagers, ce qui permet à l’industrie de croître.
«C’est sûr et certain que plusieurs usagers ne reviendront pas, mais d’autres vont prendre leur place. Ça devrait graduellement combler l’écart. Tout dépendra des nouvelles habitudes et activités de la population avec le déconfinement.» -François Pepin, de Trajectoire Québec
«Dans le contexte qu’on connaît, c’est surtout le bouche-à-oreille qui va changer la donne. Entre autres, plus la masse va porter le masque, plus les gens auront un sentiment de sécurité», détaille M. Pepin. Ce dernier réitère par ailleurs que l’arrivée d’un vaccin changerait rapidement la situation. «Avec un traitement, on viendrait régler pas mal tous les problèmes, et on retomberait dans un monde normal», ajoute-t-il.
Une situation «plus aisée»
Il y a fort à parier que la STM et les autres opérateurs du Grand Montréal seront moins affectés qu’ailleurs par la crise de la COVID-19, financièrement parlant. C’est que les systèmes montréalais sont en général «moins dépendants» de la contribution des usagers, explique le spécialiste en planification des transports à l’Université de Montréal, Pierre Barrieau.
«On ne retournera pas de sitôt au niveau d’avant, surtout que les étudiants vont manquer à l’appel, mais on peut s’attendre à un retour vers les 50% dans les prochains mois, en autant qu’on ne frappe pas une récession majeure ou une deuxième vague.» -Pierre Barrieau, de l’UdeM
«Les taxes municipales et les gouvernements paient beaucoup plus pour les réseaux de transport collectif. À Montréal, environ 40% du financement vient des usagers, donc tout n’est pas lié à l’achalandage. C’est moins le cas dans des villes comme Toronto, dont le système repose à 80% sur la clientèle. Eux viennent de perdre la quasi-totalité de leurs revenus», dit le spécialiste.
Selon de récentes données de l’Autorité régionale du transport métropolitain (ARTM), les pertes financières des sociétés de transport en commun du Grand Montréal atteignaient 165 M$ à la fin mai.