Attaquée après une rupture amoureuse: «Le système ne me protégera pas»
«Lorsque les gens me voient, ils se demandent quand ce sera à mon tour… Parce qu’ils savent le système ne me protègera pas», confie Khaoula, encore ébranlée par les événements qui se sont déroulés la fin de semaine dernière dans un appartement qu’elle venait de louer à Montréal.
Dimanche dernier, son mari, qui venait de sortir de prison pour bris de conditions à la suite de menaces qu’il avait faites plus tôt cette année, a essayé de les tuer, elle et son enfant. La femme de 43 ans demande maintenant au gouvernement Trudeau d’apporter des changements aux systèmes judiciaire et policier afin d’éviter qu’un tel drame ne se reproduise.
Khaoula a alerté la police de nombreuses fois
L’homme, qu’on a choisi de ne pas nommer, ne devait pas entrer en contact avec son ex-conjointe ni leur enfant. Les conditions étaient clairement énoncées dans l’ordre de probation émis à son égard et que Métro a pu consulter. Mais alors qu’il était en prison, il aurait contacté son ex-conjointe par téléphone à deux reprises. Après sa sortie de prison, fin novembre, l’homme aurait suivi Khaoula à sa résidence à plusieurs reprises. Il a même obtenu les plans de l’immeuble où elle réside.
Il a publié de nombreuses photos du couple sur les réseaux sociaux en identifiant son ex-conjointe. Il a aussi tenté de joindre les proches de celle-ci. Elle affirme avoir alerté la police à plusieurs reprises, sans succès.
«Et à ma grande surprise, quand j’alerte la police, ils me disent que Facebook, c’est son journal intime. Qu’il peut écrire ce qu’il veut tant qu’il ne me menace pas», dit-elle dans un message adressé au premier ministre Justin Trudeau.
Pour se protéger de son ancien conjoint, la mère de famille a trouvé refuge dans une maison d’hébergement, a changé son enfant de garderie à trois reprises en l’espace d’un mois, a changé de voiture, d’appartement et de lieu de travail.
Guy Turcotte, son «idole»
Malgré ses efforts, dimanche dernier, elle a failli devenir une victime de plus dans une série de meurtres survenus à la suite de ruptures. Son ex-mari est entré chez elle par effraction. Il s’est caché dans le garde-robe de sa chambre, armé d’un couteau, avec l’intention de la tuer.
En entrevue, Khaoula affirme qu’il l’a violée. Il aurait menacé de tuer son enfant devant elle. À force de discuter, il les a laissés libres. Finalement, il a tenté de se pendre dans son garde-robe. Il a été réanimé par les services d’urgence, appelés à la rescousse après les faits.
«Il m’a dit que Guy Turcotte était son idole et qu’il n’avait pas été assez courageux pour faire du mal à sa femme et que lui allait me faire du mal. Il m’a dit: »Turcotte s’en est pris à ses enfants, mais moi je vais m’en prendre à toi en premier »», soutient-elle.
Quelques jours plus tôt, la police lui assurait qu’elle avait des «conditions blindées» dans l’ordre de probation. Et c’est cet aspect qui la choque le plus, d’où son appel à une intervention du premier ministre Trudeau.
Khaoula: «Agissez quand je suis en vie, et non à ma mémoire»
Khaoula dit avoir alerté les policiers et le procureur de la couronne à plusieurs reprises depuis le début des épisodes de violence conjugale. La DPJ aurait contacté la mère de famille et a fermé le dossier, lui demandant de se référer à une avocate. Pour avoir accès à des services psychologiques, Khaoula dit qu’elle a trop attendu.
«Notre système judiciaire et notre système policier n’agissent pas en termes de prévention. J’ai dit une fois à la procureure: « s’il vous plaît, agissez maintenant quand je suis en vie, et non à ma mémoire »», relate-t-elle.
Khaoula implore le gouvernement Trudeau de mettre en place des mesures plus contraignantes afin de protéger les victimes de violence conjugale.
Pour Claudine Thibodeau, de SOS Violence conjugale, les services sociaux manquent d’outils pour répondre à la demande. Elle plaide pour davantage de places dans les maisons d’hébergement et des services plus rapides pour ce qui est des indemnisations aux victimes d’actes criminels (IVAC).
En ce qui concerne le respect des conditions, Mme Thibodeau estime qu’elles sont trop administratives et demande des mesures plus concrètes comme des bracelets anti-rapprochement (BAR), qui géolocalisent et maintiennent à distance les conjoints et ex-conjoints violents grâce à un signal qui se déclenche s’ils s’approchent trop de leur ex-conjointe. Ces bracelets ont été introduits dans plusieurs pays européens dont l’Espagne, et les féminicides ont diminué de façon significative, selon elle.
«Ultimement, si on pouvait avoir une mesure civique comme ça qui empêche un agresseur d’approcher une victime potentielle, c’est sûr que ça serait bien», soutient-elle.
Besoin d’aide ?
Si vous êtes victime de violence conjugale et cherchez aide et répit, vous pouvez joindre SOS Violence conjugale au 1-800 363-9010. Des intervenants y sont disponibles en tout temps. Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 277-3553. Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous en tout temps.