ENvironnement JEUnesse en Cour supérieure pour «l’avenir d’une génération»
S’il est facile de «perdre espoir» en l’avenir d’un point de vue environnemental, il est tout aussi possible de se rassembler pour lutter contre l’impact des changements climatiques, croit la directrice générale d’ENvironnement JEUnesse, Catherine Gauthier, dont l’organisme a entamé jeudi sa tant attendue demande d’action collective contre Ottawa au nom de tous les jeunes Québécois de 35 ans et moins.
«Ça me rassure de voir autant de citoyens derrière nous, a-t-elle expliqué à Métro en marge du début des audiences devant la Cour supérieure. On est en train de démontrer que les instances juridiques sont aussi là pour protéger nos droits, notre avenir, notre qualité de vie.»
D’ici les prochains mois, si le juge Gary Morrison rend un jugement favorable, l’organisme pourra poursuivre le gouvernement canadien en règles, devant la Cour supérieure. S’il est défavorable, «on ira certainement en appel, puisqu’on estime que notre cause a une valeur juridique non-négligeable», poursuit Mme Gauthier, ajoutant que ce procès «doit avoir lieu».
Dans sa demande d’autorisation, ENvironnement JEUnesse accuse Ottawa de «brimer les droits fondamentaux d’une génération» en adoptant des cibles de réduction des GES «insuffisantes» pour éviter des changements climatiques «dangereux». L’organisme souhaite obtenir un versement de 100$ par membre de son action collective, jusqu’à concurrence de 340 M$ qui seraient investis dans «des mesures pour répondre à la crise climatique».
«On plaide en gros que le gouvernement viole nos droits fondamentaux à la vie et à la sécurité en ne prenant pas la menace environnementale au sérieux, alors qu’il a pourtant en main toutes les données et tous les rapports qui prouvent qu’on doit en faire beaucoup plus.» -Catherine Gauthier, directrice générale d’ENvironnement JEUnesse
Dans l’éventualité où la démarche irait de l’avant, elle ferait office de figure de proue mondiale, devenant la première poursuite sur le climat à être intentée par des jeunes dans le monde. D’autres processus judiciaires du même genre ont toutefois eu lieu aux Pays-Bas, aux États-Unis, en France, en Belgique, en Suisse ou en Norvège.
Pour Bruce Johnston, associé au cabinet d’avocats Trudel Johnston & Lespérance – qui représente ENvironnement JEUnesse dans ce dossier –, «les tribunaux constituent l’ultime rempart pour protéger les droits de toute une génération».
«Le droit des jeunes à la sécurité et à un environnement sain et respectueux de la biodiversité est d’une importance centrale pour la société.» -Bruce Johnston, avocat pour Trudel Johnston & Lespérance
Le juriste souligne aussi que les Québécois et les Canadiens ont «l’immense privilège» de vivre dans une société de droit.
Dans son bilan environnemental, le gouvernement Trudeau dit avoir pour cible une réduction des GES dans une proportion de 30% d’ici 2030, en prenant pour référent 2005, date à laquelle le précédent gouvernement de Stephen Harper avait fixé ses propres objectifs en la matière. Mais à l’heure actuelle, le Canada semble bien loin de ces caps, ayant même «augmenté sa production de gaz à effet de serre depuis les années 1990», déplore Catherine Gauthier.
En janvier dernier, un rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estimait que pour limiter le réchauffement à 1,5 degrés Celsius d’ici le prochain siècle – un engagement qu’ont pris plusieurs pays-signataires de l’Accord de Paris – ceux-ci devraient baisser leur production d’émissions de GES de 70 à 95% d’ici 2050.
«Ç’a été l’élément déclencheur, dit Catherine Gauthier de ce rapport qui avait choqué toute la planète. C’est encore possible de limiter le réchauffement climatique, mais ça prend des actions concrètes. En ce moment, on n’est pas du tout là ; dans les 25 dernières années, le Canada a adopté différentes cibles et les a toutes ratées. On est face à une grossière négligence du Canada et c’est aux jeunes, les plus vulnérables aux changements climatiques, de le démontrer.»
Une affaire «pas justiciable»
Dans un document distribué sur place jeudi, dont Métro a obtenu copie, les avocats du gouvernement canadien estiment que la présente affaire «n’est pas justiciable». «Il est plus approprié d’élaborer des politiques permettant de prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques que d’avoir recours aux tribunaux», indiquent-ils.
Disant partager «les préoccupations d’ENvironnement JEUnesse quant à la nécessité de prendre des mesures énergiques pour lutter contre les changements climatiques», Ottawa ajoute que la crise environnementale «est l’un des plus grands défis» de notre époque.
«Le gouvernement sait que nous ne pouvons pas nous permettre de ne rien faire en cette période critique.» -Les avocats du gouvernement, vantant les 50 «mesures concrètes» du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.
«[On] élimine progressivement le charbon, fixe une tarification de la pollution et fait des investissements historiques dans les transports en commun, l’infrastructure verte et les technologies propres», illustrent-ils. Si le Canada «a signalé des réductions des émissions prévues dans tous les secteurs de l’économie», renchérissent les juristes, il reste «encore beaucoup de travail à faire», dont l’augmentation du nombre d’emplois au pays «à faible intensité de carbone».