Non, ce n’est pas qu’une impression: les graffitis sont de plus en plus visibles à Montréal. Entre 2019 et 2022, le nombre de signalements de graffitis sur le domaine public a augmenté de 237%. En parallèle de la hausse des signalements au 311, beaucoup soulignent sur les réseaux sociaux la dégradation visuelle de la ville. Ville-Marie, Le Plateau-Mont-Royal et le Sud-Ouest seraient les arrondissements les plus touchés.
L’entreprise Solutions Graffiti travaille notamment avec la Ville de Montréal pour nettoyer les murs vandalisés. Son directeur des opérations, Jean-François Trempe, constate une multiplication des graffitis au fil des années.
«On en voit plus à ce moment-là de l’année, car c’est au printemps qu’on commence les interventions. Avec les températures hivernales, il est impossible d’utiliser nos produits et de les retirer», souligne-t-il. Ce dernier remarque de plus en plus de messages politiques peinturés sur les murs, contre l’institution policière, ou pour dénoncer l’inaction climatique, par exemple.
Les arrondissements dépensent chaque année plusieurs milliers de dollars auprès d’entreprises comme Solutions Graffiti afin de nettoyer leurs façades. «Dans Ville-Marie, c’est un budget d’environ 500 000 $ à chaque année», pointe en entrevue avec Métro Maxime Gascon, contremaître à la Division inspection et entretien de l’arrondissement de Ville-Marie.
En 2022, l’arrondissement a fait retirer 30 000m2 de graffitis, soit l’équivalent de 155 terrains de tennis. «Plus rapidement tu vas être capable de l’effacer, le plus vite tu vas avoir un contrôle de la situation. Le tagueur cherche de la visibilité. Sil n’en a pas, il ne recommencera pas au même endroit», croit M.Gascon.
Parfois une longue attente pour retirer les graffitis
Pour le chef de l’opposition à l’Hôtel-de-Ville, Aref Salem, «la hausse importante du nombre de graffitis à Montréal n’a rien d’étonnant quand on voit l’état général de la ville avec tous les enjeux de propreté auxquels elle est confrontée».
Ensemble Montréal se dit particulièrement préoccupé par la hausse des graffitis à caractère haineux, «qui vont à l’encontre de l’image de notre métropole fière de sa diversité». Les signalements de ces derniers auprès du 311 ont été multipliés par trois entre 2019 et aujourd’hui.
«Notre parti presse l’administration depuis plusieurs années de réduire les délais pour l’effacement des graffitis à 24h dès le signalement et de donner plus de moyens aux arrondissements, qui doivent composer avec des contraintes budgétaires.
Aref Salem, chef de l’opposition à l’Hôtel-de-Ville
D’après le dernier rapport du 311, qui remonte à l’année 2020, les délais pour le retrait des graffitis s’élevaient à 15 jours sur le domaine public, et à 26 jours pour le domaine privé. «C’est très rare que ça se rende jusqu’à un mois», rétorque Maxime Gascon. En cas de graffiti haineux, les arrondissements agissent en moins de 48 heures, assure-t-il.
Dans un courriel envoyé à Métro, la Ville invite les Montréalaises et Montréalais à signaler un graffiti sur le site de la Ville. En 2023, elle devrait développer un programme sur les enjeux d’enlèvement des graffitis et bonifier le programme des brigades de propreté en ce sens.
Un impact négatif pour la ville?
On note également un phénomène relativement récent, qui ne cesse de prendre de l’ampleur: les graffitis sur des murales. Ces dernières qui attirent chaque année de nombreux visiteurs, et qui sont plus de 300 à l’échelle de Montréal. Derrière ce mariage forcé, certains craignent que l’attrait des murales pour les touristes, par exemple, soit ainsi gâché.
«L’épidémie de graffitis est un véritable fléau touchant la majorité des métropoles du monde», commente Aurélie de Blois, porte-parole de Tourisme Montréal. Toutefois, elle souligne des efforts de la Ville de Montréal pour contrer ce problème. «Leur mot d’ordre est la proactivité, car les graffeurs n’ont pas avantage à continuer l’exécution de leurs tags si ceux-ci ne restent pas assez longtemps pour être vus.»
Le directeur des opérations à Solutions graffiti affirme que les tags sont de plus en plus élaborés, rendant leur enlèvement plus difficile. «On fonctionne au lavage à pression, car on veut retirer complètement.»
Un nouveau programme informatique permet à la Ville de recevoir les photos des graffitis lors de signalements au 311. Ils peuvent ensuite transmettre l’image et le lieu à l’entreprise chargée du nettoyage. Cette méthode, mise en place progressivement depuis 2018, permettrait donc d’agir plus rapidement.
Cependant, Mme de Blois estime que des actions supplémentaires pourraient être entreprises par la Ville «pour combattre ce fléau qui persiste, et enlaidit la ville». «Nous savons que les graffitis donnent une impression de malpropreté sur lequel on se doit d’agir et vite ; c’est néfaste pour notre rayonnement à l’international, mais aussi pour les résidents.»