Après plusieurs années de lutte, l’organisme montréalais Association d’anémie falciforme du Québec (AAFQ) pourra compter sur le financement du gouvernement fédéral pour la recherche et les médicaments afin de soulager les enfants atteints de cette maladie rare. Le ministre canadien de la Santé, Jean-Yves Duclos, vient de mettre sur pied la Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares, un fond de 1,4 G$ sur trois ans.
«C’est un pas dans la bonne direction. Ça fait longtemps qu’on attendait cet engagement-là», affirme le président de l’AAFQ, Wilson Sanon, en entrevue avec Métro.
L’anémie falciforme, ou drépanocytose, est une affection du sang héréditaire et courante qui cause une anémie chronique. Elle provoque aussi des crises périodiques de douleurs et d’autres complications et affecte en particulier les néo-Québécois. Sur chaque tranche de 100 000 naissances au Québec, on dénombre 50 cas, notamment dans la grande région de Montréal, selon le ministère de la Santé. D’après l’Association d’anémie falciforme du Canada, environ 6000 Canadiens – principalement ceux originaires de pays où la malaria était courante, tels que le continent africain et les Caraïbes – en souffrent.
Il y a des milliers d’années, l’hémoglobine S empêchait le parasite de la malaria dans les pays tropicaux de pénétrer dans les globules rouges. Mais depuis 1910, ce qui représentait une protection pour toute une population est devenu le cauchemar de nombreux parents et enfants.
Une maladie qui migre
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la drépanocytose est considérée comme l’un des quatre grands défis de santé publique dans le monde, avec le paludisme, le sida et la tuberculose. Et l’on doit s’attendre à ce que le taux d’enfants atteints augmente avec l’immigration récente et la constitution de couples mixtes. Un Noir porteur de l’hémoglobine S qui a un enfant avec une Blanche risque de transmettre la protéine à l’enfant. Et ainsi de suite.
Depuis plusieurs années, l’Association de parents d’enfants atteints d’anémie dit avoir recensé des cas à Sherbrooke, à Beauport, à Chicoutimi, à Sept-Îles, aux Îles-de-la-Madeleine et à Québec, entre autres.
Selon le ministre de la Santé, le nouveau financement aidera les provinces et territoires à améliorer l’accès aux médicaments nouveaux et émergents, ainsi qu’aux médicaments existants. Le diagnostic précoce et le dépistage des maladies rares pour lesquels l’AAFQ se battait devront se réaliser également.
Cela aidera les patients atteints de maladies rares, notamment les enfants, à avoir accès aux traitements le plus tôt possible, leur assurant ainsi une meilleure qualité de vie.
Jean-Yves Duclos, ministre canadien de la Santé
Mais vraisemblablement, le ministre Duclos n’était pas bien au fait des ravages de la maladie dans les communautés immigrantes. Il y a quelques mois, c’est le député de Bourassa, Emmanuel Dubourg, qui avait favorisé une rencontre entre M. Duclos et le président de l’AAFQ, Wilson Sanon. Ce dernier a pu convaincre le député fédéral de la nécessité de la recherche et de la détection précoce de la maladie.
Dépistée au Québec depuis 2016
«Alors que j’étais député provincial, j’ai travaillé avec le ministre Bolduc pour le dépistage de cette maladie au Québec. Au fédéral, voilà que des recherches sont entreprises pour trouver des médicaments pour soulager les personnes atteintes d’anémie falciforme», a écrit M. Dubourg sur sa page Facebook.
En 2013, un projet pilote a vu le jour au Québec, mais il concernait seulement Montréal et Laval. Devant le résultat inquiétant, le gouvernement a décidé non seulement de rendre le dépistage obligatoire mais aussi de l’étendre à toute la province depuis 2016 pour tous les enfants afrodescendants.
Mais le président de l’AAFQ, Wilson Sanon, dit déplorer des ratés dans le programme de dépistage. Dans ses données, Québec ne tient pas compte des porteurs sains qui pourraient, vers l’âge adulte, transmettre la maladie à leurs enfants s’ils forment un couple avec un autre porteur.
On n’avise pas de façon automatique les porteurs sains. Voilà pourquoi nous, à l’association, on sensibilise les gens à demander l’information au ministère de la Santé grâce à un formulaire disponible en ligne.
Wilson Sanon, président de l’AAFQ
Le ministère dit qu’il ne veut pas «énerver les parents» avec une telle information, «mais cela reste une donnée importante pour l’enfant lorsqu’il deviendra adulte», plaide M. Sanon.
Depuis mai 2006, l’Ontario est devenu la première province du Canada à dépister de façon universelle chez les nourrissons les troubles sanguins tels que l’anémie falciforme.