Le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) a mis en branle un projet d’intelligence artificielle qui, de leur propre aveu, a un «potentiel énorme» pour améliorer l’efficacité des hôpitaux de la province. Ce projet, mis sur pied par les équipes de gestion et de cliniciens ainsi que par l’équipe de recherche CITADEL du CHUM, permettrait de prédire l’achalandage aux urgences, ce qui en retour accélérerait l’accès aux soins et désengorgerait les hôpitaux.
L’initiative consiste en fait à utiliser les algorithmes de l’intelligence artificielle pour monter des dossiers médicaux plus rapidement et permettre à l’hôpital de réagir plus vite à l’afflux de patients selon la journée. Pour l’urgentologue consultante au CHUM pour ce projet, Dre Élyse Berger Pelletier, il est raisonnable de croire que l’aspect technologique de cette pratique permettra aux patients d’être pris en charge beaucoup plus rapidement.
«Technologiquement, oui c’est possible. Est-ce qu’on va avoir les ressources humaines et les ressources pour que ça fonctionne, ça reste à voir. C’est la méthode de l’avenir et avec la situation alarmante dans les hôpitaux, on ne peut plus se permettre de ne pas innover. On commence le projet avec les urgences parce qu’ils se remplissent plus qu’avant avec un temps d’attente d’envergure.»
En entretien avec Métro, Dre Berger Pelletier, estime que la courbe démographique aurait rendu nécessaire l’utilisation de l’intelligence artificielle un jour ou l’autre. «La pénurie de main-d’œuvre a certainement accéléré l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les urgences, mais si on regarde le vieillissement de la population au Québec et dans le monde, il était inévitable de s’appuyer sur des moyens technologiques comme l’intelligence artificielle pour améliorer la qualité et l’efficacité des soins.»
Pas de robots à la place des médecins
L’urgentologue précise que l’utilisation de l’intelligence artificielle et des bases de données va faire en sorte que les contacts humains entre patients et médecins vont croître et non réduire, contrairement à ce que certains croient.
«En général, 50% à 60% de mes tâches comme urgentologue sont administratives. Ce sont des moments où je ne suis pas en contact avec le patient. L’intelligence artificielle va donc venir réduire le pourcentage de ces tâches et je pourrai ainsi passer plus de temps avec eux et augmenter ma capacité à mieux répondre aux besoins médicaux.»
Elle ajoute que l’être humain et l’intelligence artificielle ont chacun leurs limitations et sont donc complémentaires, chacun atténuant les lacunes de l’autre dans des situations médicales données. «L’œil d’un infirmière ou d’un infirmier demeure important. L’intelligence artificielle peut aider à détecter des cas médicaux que les humains ne peuvent pas détecter, tout comme les humains ont une sensibilité émotive que les machines n’ont pas. Les humains doivent être au cœur du projet.» Le but ultime est justement que les infirmiers et les médecins aient plus de temps avec les patients.
Un projet collectif
Dre Berger Pelletier est enthousiaste quant aux retombées positives que ce projet peut avoir dans les hôpitaux du Québec. Elle souligne que plusieurs centres hospitaliers de Montréal et d’ailleurs feront des tests «dans les prochains mois» à partir de l’intelligence artificielle développée au CHUM. Cette collaboration pourrait permettre de meilleurs résultats dans l’ensemble du réseau de la santé.
«Nous allons faire des tests notamment à l’Hôpital général juif à Montréal. Nous allons collaborer avec les hôpitaux qui ont participé au Projet CODA-19, un programme qui a emmené les centres hospitaliers à rassembler leurs bases de données pour contrer la propagation de COVID-19. Puisqu’il y a déjà des bases de données communes, il sera plus facile de créer des algorithmes ainsi. Nous allons aussi déployer l’intelligence artificielle dans d’autres départements que les urgences et créer des bases de données générales pour voir ce qui fonctionne ou non pour améliorer les pratiques.»
Le projet pourra aussi être testé dans les zones plus rurales pour comparer l’utilité d’un tel système dans les hôpitaux où la densité de population est plus faible.