Une centaine de bénévoles ont parcouru les rues de Montréal, le soir du 11 octobre, pour effectuer le troisième dénombrement de l’itinérance visible, nommé Tout le monde compte à Montréal et chapeauté par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Métro a accompagné les bénévoles dans le secteur de Griffintown pour donner un aperçu de la collecte.
Le hall de réception du YMCA de la rue Stanley, dans le centre-ville, était plein à craquer avant le coup d’envoi du dénombrement. Plus d’une centaine de bénévoles s’y trouvaient, faisant partie des 1400 personnes qui participaient à l’opération à travers le Québec.
«On a eu une super belle réponse de la part du public: environ 1400 bénévoles ont répondu à l’appel, expliquait Caroline Dusablon, directrice adjointe des partenariats urbains pour le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, tout juste avant le départ des bénévoles. On arpente ce soir tout le territoire de Montréal et ça se passe aussi dans treize autres régions du Québec simultanément. C’est un peu comme un recensement de l’itinérance visible, donc, c’est pour cela que ça se passe en une seule soirée dans les rues.»
Peu de temps après la rencontre médiatique, les bénévoles et leurs chefs d’équipe ont reçu leurs questionnaires ainsi que les consignes de fonctionnement et les rappels de sécurité. Puis, les équipes ont quitté le YMCA pour parcourir leurs secteurs désignés, accompagnés de journalistes.
S’impliquer contre l’itinérance
Métro a été jumelé avec une équipe de cinq personnes dont Griffintown était le secteur désigné. Les bénévoles étaient toutes et tous sensibles à l’enjeu de l’itinérance, ce qui les a poussés à participer au dénombrement.
Pour l’infirmière clinicienne Nathalie Tremblay, son expérience professionnelle a joué un rôle dans sa décision de participer à la soirée comme bénévole. «Je travaillais dans une équipe de suivi intensif en itinérance. J’aime beaucoup cette clientèle, donc, ça me donne une occasion de m’investir pour eux et d’aider à développer des services», a-t-elle raconté à propos de sa participation à la soirée.
Cathy, une autre bénévole du groupe tout aussi heureuse de contribuer, a quant à elle expliqué que le processus de formation en vue de la soirée a duré deux heures au total.
«La Croix-Rouge a donné une heure et quart de formation sur comment aborder la personne itinérante de manière respectueuse et humaine. Ensuite, nous avons eu 45 minutes de formation sur le questionnaire pour nous l’approprier davantage», a révélé la bénévole.
En raison de cette formation limitée, les bénévoles n’ont parfois pas été en mesure de répondre à certaines précisions demandées par les personnes abordées, comme a pu constater Métro.
C’était notamment le cas par rapport à la question de filtrage demandant si la personne pouvait loger dans un endroit aussi longtemps qu’elle le voulait. Plusieurs ont répondu «non» à cette question, bien qu’ils habitaient dans un logement, jugeant qu’ils ne pouvaient pas y rester autant qu’ils le souhaitaient puisqu’ils étaient locataires. Plusieurs personnes abordées n’ont ainsi pas pu répondre entièrement au questionnaire, situation dont la cheffe d’équipe comptait faire part à l’organisation de l’équipe.
L’itinérance (in)visible
Malgré la bonne volonté des bénévoles, les deux heures consacrées à l’arpentage des rues de Griffintown à la recherche de personnes itinérantes n’ont pas été très fructueuses: seulement deux personnes en situation d’itinérance ont rempli le questionnaire.
De plus, certaines questions pouvaient éveiller des émotions difficiles chez les personnes interrogées. L’une d’entre elles a paru particulièrement émue lorsqu’il a été question de la perte de son animal de compagnie et des raisons qui l’ont amenée à vivre dans la rue.
Cette situation rejoint les critiques formulées par Annie Savage, directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), en entrevue avec Métro. Selon elle, la formation offerte aux bénévoles en vue du dénombrement était insuffisante.
Les questions à poser aux personnes itinérantes sont intrusives sans pour autant leur apporter une source de réconfort par après. Il n’y a aucun lien de confiance établi, le questionnaire est froid et méthodique, et ça pose un enjeu éthique et une infraction aux droits de la personne.
Annie Savage, directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM)
Pour Mme Savage, toute la soirée du dénombrement n’était rien de moins qu’un «show de boucane», la méthode employée, ne permettant pas de comptabiliser efficacement l’itinérance puisqu’elle occultait l’itinérance cachée, offrant donc un mauvais aperçu du problème.
«Le dénombrement est un polaroïd incomplet, une photo d’un soir donné, qui ne permet pas de saisir ni la diversité des réalités ni l’ampleur du phénomène sur une longue période», expliquait la directrice du RAPSIM.
«Pas besoin d’un dénombrement pour savoir que les besoins sont beaucoup plus grands que les ressources déployées, a-t-elle ajoutée. Il faut que le gouvernement agisse sur les solutions mentionnées depuis longtemps: logement social et communautaire, salaire décent et un système de santé plus accueillant et adapté.»