Surprise! Le Parti québécois n’est pas mort, ni moribond. Après plus de quatre semaines de campagne, le chef Paul St-Pierre Plamondon semble insuffler une certaine vigueur au parti, dont plusieurs prédisaient la disparition de la carte électorale.
«On a annoncé la mort du Parti québécois (PQ) un peu tôt», considère Patrick White, politologue et professeur de journalisme à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Un nouveau sondage de la firme Léger pour le Journal de Montréal publié mardi place la formation politique à 15% des intentions de vote. En début de campagne, le PQ n’était crédité que de 9% des voix.
Alors, comment expliquer cette progression fulgurante dans les sondages et dans le cœur des électeurs? «On a vu de bonnes prestations au débat des chefs, et à Tout le monde en parle. Ils ont fait augmenter, quasi doubler, les intentions de vote pour le PQ. Il s’est positionné comme seul parti idéal d’indépendance pour le Québec, de façon claire», analyse M. White.
L’ex-journaliste cite les prestations quotidiennes réussies de Paul St-Pierre Plamondon, son jeune âge, mais aussi les intéressantes questions qu’il soulevait lors des débats comme les moteurs de sa réussite. «Tout ça fait que la jeunesse joue de son bord», estime-t-il.
«Il a fait une bonne campagne […] on a eu l’occasion de le connaître, abonde Bernard Motulsky, professeur de communication sociale et publique à l’UQAM. Il est articulé, il a des choses précises à dire, et il n’y a pas eu de polémiques, comme le PQ nous a habitués lors des campagnes précédentes. On a l’impression qu’il incarne le PQ tel qu’il est aujourd’hui.»
Mais en politique, cinq semaines en campagne, c’est une éternité, et il reste du chemin à faire.
Le salut dans le souverainisme
Ce que les intentions de vote montrent: «M. Plamondon pourrait sauver les meubles et sauver le PQ», selon Patrick White. Si par le passé, le parti avait du mal à affirmer sa part souverainiste sans faire peur aux gens, cette fois, il a pleinement assumé sa volonté d’indépendance. «C’est la première campagne où on voit ça», observe M. Motulsky.
Et c’est peut-être là où se trouve son salut. Pendant la campagne, Paul St-Pierre Plamondon a invité à plusieurs reprises les indépendantistes partis du côté de la CAQ à «rentrer au bercail». Alors, le souverainisme est-il vraiment mort?
«C’est un clivage de moins en moins présent, car l’enjeu est sur la glace depuis octobre 1995, mais un tiers de la population est encore favorable à l’indépendance. Ça permet encore au PQ d’aller chercher des voix et de travailler sur son programme. Ça prend un projet de société global qui va inclure un programme important sur la protection du français, une composante écologiste encore plus développée et arriver avec des solutions concrètes aux problèmes d’aujourd’hui, comme la pénurie de main-d’œuvre», abonde le professeur de journalisme.
D’autant que le Parti québécois est celui qui porte le flambeau de l’indépendance le plus haut, indique-t-il. Avec cette campagne, «il vient de sauver sa tête à la chefferie. Il a une manière de se démarquer, de ne pas embarquer dans le débat politicien. Il ne passe pas ses journées à attaquer les autres comme a fait Québec solidaire (QS)», commente M. White.
Pour le politologue André Lamoureux, à l’opposé, la question de l’indépendance a noyé le discours péquiste. «À chaque débat, PSPP arrivait toujours avec sa solution. En santé? Ça prend l’indépendance. L’environnement? Sa seule façon québécoise de le protéger, c’est l’indépendance. Sauf qu’on n’en est pas là. Les gens ne sont pas dans cette vague-là, il n’y a pas de mouvement de masse pour ça», tempère-t-il.
Se redéfinir pour se différencier
Alors, à quoi va ressembler le Parti québécois au lendemain de l’élection, le 4 octobre prochain? Cela va tout d’abord dépendre du nombre de députés qu’il fera élire. Dans la précédente législature, il y en avait sept. Les premiers sondages de la campagne laissaient entrevoir que seul Pascal Bérubé pourrait maintenir son siège. Les différents experts interrogés par Métro imaginent le PQ en remporter de deux à cinq, le parti créant possiblement la surprise.
Une question va demeurer: comment se redéfinir face aux concurrents? À la droite du PQ, la Coalition avenir Québec (CAQ) prend de plus en plus de place sur le terrain identitaire et QS, également en faveur de l’indépendance, occupe une grande partie de l’espace à sa gauche.
M. Lamoureux pense qu’il est nécessaire de reconstruire complètement le parti et son programme autour de la langue française, l’immigration et la laïcité, en marquant sa différence nette sur ses sujets avec son rival solidaire. «Ils auraient dû faire campagne contre QS pour se démarquer», fait-il valoir.
D’après le professeur, Paul St-Pierre Plamondon a essayé d’amadouer le parti de gauche plutôt que de l’attaquer. Pendant les débats télévisés, notamment, on a pu voir des signes d’approbation et d’entente du chef péquiste envers Gabriel Nadeau-Dubois. «Un débat des chefs, c’est un combat de boxe. C’est pas une séance d’information ou une table ronde. C’est quand tu réussis à placer des coups-chocs que tu fais plier les genoux de tes adversaires», illustre le politologue.
M. St-Pierre Plamondon aura jusqu’en 2026 pour répéter, ou repenser sa stratégie. «Le défi va être de garder de la visibilité, avertit Bernard Motulsky. Je pense qu’avec la campagne qu’il a menée, sa position de chef ne semble pas automatiquement menacée.» Maintenant, il faudra gagner son siège. Bonne nouvelle pour lui, après le retrait de la candidate solidaire dans Camille-Laurin, son élection semble bien facilitée.