Alors que la communauté scientifique tente d’en apprendre toujours plus sur l’épidémie de variole du singe, la santé publique fédérale a laissé planer la possibilité d’offrir des vaccins contre la variole au Québec. Voici une analyse de Michael Head, chercheur principal en santé mondiale à l’Université de Southampton.
ANALYSE – Après l’Europe, le Québec. La santé publique québécoise confirme deux cas de variole du singe, et enquête actuellement sur une vingtaine d’autres. Un premier cas a aussi été recensé en France.
Il s’agit du dernier rebondissement d’une épidémie qui a pris naissance en Europe, avec neuf cas confirmés au Royaume-Uni et une quarantaine de cas suspects ou confirmés en Espagne et au Portugal.
C’est seulement le 6 mai que l’Agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA) a confirmé le premier cas en Europe. Par le passé, trois cas avaient été signalés en 2021 et un autre en 2018. Ces signalements étaient surtout liés à des voyages internationaux en provenance de l’Afrique centrale et occidentale, où la maladie est endémique.
Il s’agit de la plus forte propagation de cette maladie jamais observée en Europe et en Amérique, mais on ignore si ces cas sont liés.
Une fausse appellation
L’orthopoxvirose simienne — son nom scientifique — a été observée pour la première fois à la fin des années 1950 chez des singes de laboratoire, d’où son nom. Mais les scientifiques doutent maintenant que les singes en soient les principaux porteurs. Selon une hypothèse récente, ils seraient plutôt liés à des rongeurs, notamment le cricétome des savanes, aussi appelé rat de Gambie.
Contrairement à la Covid, la variole du singe se transmet mal entre humains. Elle requiert généralement une interaction avec des animaux porteurs, un contact très étroit avec une personne infectée ou un contact avec vecteur passif (vêtements, serviettes ou meubles contaminés). La variole du singe ne se propagerait pas de manière asymptomatique. Toutefois, ce virus est encore peu connu, mais les épidémies actuelles apporteront un lot d’informations nouvelles.
La variole du singe appartient à la même famille de virus que la variole, mais elle est beaucoup moins contagieuse. Les personnes qui l’attrapent ont généralement de la fièvre et présentent une éruption cutanée et des cloques caractéristiques. La maladie est généralement «autolimitée»: les symptômes disparaissent généralement d’eux-mêmes en quelques semaines. Mais dans sa forme sévère, le taux de mortalité peut osciller entre 3 et 6 %, particulièrement chez les enfants.
Une maladie transmissible sexuellement?
Selon l’UKHSA, certains cas de l’épidémie de mai 2022 ne sont pas associés à des voyages internationaux, ce qui suggèrerait une transmission communautaire. Pour quatre des sept cas confirmés britanniques, les malades s’identifient comme gais, bisexuels ou ayant eu des rapports homosexuels. Sur Twitter, un épidémiologiste de l’UKHSA suggèrerait «une propagation dans les réseaux sexuels». Les cas espagnols pointeraient également dans cette direction.
La propagation actuelle serait donc inhabituelle par rapport aux épidémies précédentes. Bien qu’on ignore bien des choses sur la variole du singe, on sait néanmoins que le virus se transmet par contact étroit, par exemple peau contre peau.
Rien ne prouve qu’il s’agisse d’une infection sexuellement transmissible à la manière du VIH ou de la chlamydia, même si un contact étroit lors d’une activité sexuelle ou intime a pu être un facteur clé de la propagation au Royaume-Uni.
Même si l’on n’avait jamais documenté de cas de transmission dans ce contexte intime ou sexuel, cette information ne change rien à ce que l’on savait déjà sur sa transmissibilité, laquelle requiert un contact étroit. Mais ce constat quant à la dynamique sociale qui se dessine dans la contagion actuelle sera certainement utile aux équipes de santé publique pour la recherche d’autres personnes susceptibles d’avoir été exposées.
Très faible risque pour la population
Les risques liés à la variole du singe pour le grand public sont extrêmement faibles, du fait de sa faible transmissibilité, mais également parce que les moyens de contenir ce virus existent.
Même s’il n’existe pas de vaccin spécifique contre la variole du singe, le vaccin antivariolique (un antiviral) et la gammaglobuline antivaccinale peuvent être utilisés pour la contrôler, selon les centres fédéraux de santé publique américains (USCDCP).
Selon certains experts, l’immunité de la population contre la variole du singe pourrait avoir diminué en raison de l’arrêt de la vaccination généralisée contre la variole, rendant ainsi une propagation plus probable. Lors d’une réunion tenue à Londres en 2019, les experts ont émis l’hypothèse que l’éradication de la variole pourrait avoir pour conséquence « d’avoir créé une niche épidémiologique vacante susceptible d’être occupée par l’émergence de la variole du singe chez l’humain».
Chose certaine, ces cas de variole du singe et d’autres maladies (comme le virus Ebola, le paludisme et la fièvre de Lassa) révèlent une forte charge infectieuse dans certaines parties du monde, où l’accès aux soins de santé est limité. Dans un monde postpandémique, nous devrons certainement tâcher de mieux comprendre ces agents pathogènes graves, et d’autres encore, tant pour leur effet sur les populations locales que sur le monde.
Michael Head, chercheur principal en santé mondiale, Université de Southampton
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.