Oui, Éric Zemmour est un monstre
CHRONIQUE – Dans une récente chronique, Mathieu Bock-Côté trace un portrait pour le moins élogieux d’Éric Zemmour, candidat (encore) inavoué à la prochaine présidentielle française: «Extrêmement intelligent, incroyablement cultivé, redoutable débatteur, il a su placer au cœur du débat public la question de l’immigration massive, dans un pays où ses effets sont catastrophiques, comme en conviennent même plusieurs figures historiquement associées à la gauche».
Bien qu’il admette que le candidat «traîne quelques casseroles», MBC se désole que Zemmour soit maintenant associé «à l’extrême droite, ce qui est grotesque».
Il conclut: «On peut être d’accord ou non avec lui, admirer son courage et se désoler de ses outrances. Mais on ne devrait pas se croire obligés de le maudire. Quand j’observe le traitement que lui réservent en ce moment certains de nos médias, où des commentateurs ne connaissant à peu près rien à la politique française le présentent comme un monstre, je suis atterré. Ils ne parviennent pas à comprendre comment il peut recevoir l’appui d’environ 17% des Français, en ce moment, ce qui lui permettrait de participer au deuxième tour de l’élection présidentielle. Et ils ne comprendront pas s’il remporte la présidentielle dans six mois.»
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Pendant quelques années, j’eus le plaisir de chroniquer au magazine Le Point, justement en France. Chaque publication me laissait alors pantois: la virulence du commentaire islamophobe ou autrement raciste s’assimilait, en tous points, aux propos usuels des membres de la Meute (fautes d’orthographe et de syntaxe en moins). Facile ainsi de comprendre la genèse, sinon la portée, de l’appui actuel à Zemmour, lequel réussit, indubitablement, à canaliser cette haine ordinaire fomentée à (forts) coups d’amalgames ou de désinformation. Notamment celle du mythe de «l’immigration massive», démenti par quelques instituts d’intérêt.
L’œuf ou la poule, donc: Zemmour existe-t-il politiquement du fait de la crainte de l’Autre, ou celle-ci est-elle galvanisée par la propagande du crypto-candidat? Match nul? Allez savoir. Quoi qu’il en soit, d’aucuns auraient raison de mettre en doute le bien-fondé de l’adéquation présentée: qu’une portion relative de Français abhorre le Mulsulman ou se méfie aujourd’hui de celui-ci ne valide en rien, philosophiquement parlant, la récupération en cours.
Au fait, pas un monstre, Zemmour? Sans prétendre à une quelconque nomenclature de ses propos, gestes ou propositions incendiaires, reste qu’un topo rapide en révèle suffisamment sur la nature de la bête:
Interdiction de prénoms étrangers sur le territoire français;
Expulsion de 5 millions d’immigrants (en 5 ans);
Condamné pour provocation à la discrimination raciale en 2011, et pour provocation à la haine envers les musulmans en 2018;
La remise en question de l’innocence de Dreyfus;
À propos de la peine de mort: «J’y suis philosophiquement favorable»;
Les employeurs devraient avoir le «droit de refuser d’embaucher des Arabes ou des Noirs»;
«Tous les musulmans, qu’ils le disent ou qu’ils ne le disent pas», considèrent les djihadistes comme de «bons musulmans»;
«La plupart des trafiquants sont noirs et arabes !»;
«Un musulman modéré, ça n’existe pas»;
«La domination sociale a un fort pouvoir érotique chez la femme»;
«Les mineurs isolés, comme le reste de l’immigration, n’ont rien à faire ici: ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont»;
«Le pouvoir ne doit pas seulement rester dans la main des hommes? Bien sûr que si, sinon il se dilapide»;
«Les femmes n’expriment pas le pouvoir, elles ne l’incarnent pas, c’est comme ça. Le pouvoir s’évapore dès qu’elles arrivent»;
«Mais tout est raciste, c’est pas possible. On ne peut plus rien dire sans se faire insulter de raciste, j’en sais quelque chose. Il faut arrêter avec ça. Il faut arrêter» (rigolo, quand même!);
La publication, par Mediapart, d’un reportage faisant état de témoignages de huit femmes eu égard à des infractions de nature sexuelle. Un SMS envoyé en 2018 à une attachée de presse, reproduit par le média et constaté par huissier, est particulièrement troublant: «Alors j’attendrai que vous m’invitiez chez vous pour vous violer!», écrit Zemmour.
Pas un monstre, le bougre? Pas d’extrême droite? Le cas échéant, d’aucuns s’interrogeront, à juste titre d’ailleurs, quant à l’existence même de la catégorie.
Sources : Slate.fr, Mediapart et Le Parisien